Frédéric Roux

Correspondance
(choisie)

 le 29/9/1994

                                Cimaise & Portique
                                8, rue Jules Verne
                                81000. Albi

  Foutaise et Gros tics,

    J’ai bien reçu votre invitation à participer à : « Paroles d’artistes-Dialogue Public », je m’excuse d’y répondre si tard.
   J’avais d’abord pensé vous expliquer les raisons de mon refus, j’y ai renoncé, tant de prétention pénétrée destinée à gaspiller du pognon et institutionnaliser le discours d’ivrogne analphabète sous Lexomil serait perdre du temps.
    Désolé.

29/10/1994

                            Mme Françoise Giroud
   Le Nouvel Observateur


                    Madame,

    Il n’est pas dans mes habitudes d’écrire aux éditorialistes, mais pour une fois que l’un (en l’occurrence l’une) a écrit sur le même sujet que moi, qui plus est dans le même journal, l’occasion était trop belle pour ne pas en changer.
    A propos de la Marche du Siècle – dont j’avais rendu compte dans le Télé-Obs du 15 au 21 Octobre – vous avez écrit qu’une « étoile brille » devant les yeux des jeunes gymnastes françaises dont il était sujet dans l’émission. Encore faudrait-il savoir si ce n’est pas la même que celle qui luit devant les yeux du joueur de Tac-O-Tac et devant ceux du drogué avant sa dose. A quelle nébuleuse appartient-elle ? Passons !
    Plus important, vous dites : « Reste qu’au moment crucial l’athlète est seul et que, à niveau technique égal, c’est le « mental » qui fait la différence… ». C’est une affirmation juste, certes, mais dans les deux sens du terme. Il existe plusieurs catégories au sein même de ce que vous appelez le « mental », l’intelligence et la volonté, par exemple qui, vous me l’accorderez, ne sont pas du même ordre. S’il était d’autre part possible que l’athlète soit « seul » (comme tout un chacun il ne l’est jamais et il l’est toujours) et qu’il ait le même niveau technique que son adversaire, bien d’autres catégories que le « mental » peuvent faire la différence. Sans aller jusqu’à avancer des éléments aussi présents que : la « chimiothérapie » (on dit préparation physique), l’argent (on dit les moyens mis en oeuvre), le matériel (on dit les progrès techniques) qui viennent fortement perturber sa soi-disant « pureté », il faudrait parler aussi de : l’implantation dentaire (le sourire), l’orientation des muscles fessiers (le cul), de la chance parfois, de la force pure souvent ; mais aussi de tout ce qui ressort du politique, des luttes d’influence, etc… Penser que seuls la technique et le mental sont en jeu dans un affrontement sportif, c’est penser que tout ce que l’on en voit est vrai, que le sport est retranché des choses de ce monde et de ses réalités. Laissez-moi vous dire, en tant qu’ancien pratiquant et spectateur critique, que c’est loin d’être le cas.
    Avec mes salutations respectueuses.

 le 5/12/1994

                            Mr Pierre Dutertre

                Monsieur,

    J’ai pris connaissance aujourd’hui de votre courrier du 21/11 dont je vous remercie. Je vous joins une photocopie correcte de mon article, j’espère que c’est la mauvaise qualité de celle que vous avez eue entre les mains qui est responsable de ce qui me semble être une « mauvaise lecture » de ce que j’ai en réalité écrit. Il y a parfois un monde entre les intentions et la façon dont celles-ci sont perçues par leurs destinataires, malgré les précautions que l’on peut prendre pour qu’elles ne soient pas déformées, votre interprétation de mes dires en est un exemple.
    La critique principale que j’ai adressée à l’émission : « Le dernier visiteur », et non à vous, vient de là ; de la distorsion pas très catholique de vos intentions que je suis tout à fait d’accord (mais ce n’est pas le but) pour trouver louables, mais qui n’apparaissaient pas telles à l’écran. Ce n’est pas vous ni la banalité de vos propos (je n’ai rien contre la banalité, elle peut être essentielle) qui êtes en cause, mais la façon dont le réalisateur les a traités. Il se trouve que ce que les spectateurs ont à juger, se détermine sur ce qui leur est montré. Autant je veux bien admettre que ce que vous faites est respectable (je le dis), autant ce qui en était montré ne l’était pas. Vous aurez beau vous en défendre confusément, en mettant en cause mes interrogations sur l’émission, il n’en reste pas moins que l’enfer est plus que jamais pavé de bonnes intentions et que l’on ne peut se plaindre du traitement qu’infligent les media, y compris les magazines, à nos pensées les plus dignes sans avoir réfléchi au préalable au pourquoi et au comment de la chose. C’est ce que j’ai essayé de faire le plus clairement possible, je regrette de ne pas y être arrivé.
    En effet, je ne dis pas que ce que vous faites est un hobby, je dis le contraire. Je dis pas que c’est du « tourisme », je dis que la caméra et ses effets le font croire. Je ne dis pas que je n’accepte pas que l’on montre cette réalité, je dis qu’il ne faut pas la montrer comme cela. Je ne dis pas que ce que vous faites est une partie de plaisir, je sous-entends le contraire ; ce n’est d’ailleurs pas le propos, si vous le faites vous n’avez pas à vous en justifier. Vous m’affirmez que vous ne dites pas et pensez encore moins assister à leur exécution, ce n’est pas très clair dans le sujet et même en le regardant attentivement (trois fois pour ma part) on peut penser le contraire et dans la phrase suivante de votre lettre vous semblez envisager que cela peut être possible. Alors, je pense quoi ? Que je ne sache pas ce dont vous avez parlé avec vos amis me semble plus convenable que l’inverse, il n’est pas, de toute façon, dans mes habitudes de juger ce que j’ignore. « Etre là » ne me semble pas réellement négligeable surtout dans la mesure où vous dites qu’il n’y a pas grand monde d’autre. Etc, etc…
    Il me semble aussi, et on pourrait le croire en vous lisant, que vous n’êtes pas le sujet du film et, qu’en ce qui concerne ceux qui l’étaient, il me paraît avoir fait preuve d’autre chose que de sens critique et rappelé, entre autres, comme vous m’y invitez, que nous étions tous responsables de ce qui leur arrivait et que ce qui leur arrivait était ignoble.
    Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

PS : dans l’encadré chiffré de mon article une ligne a sauté, j’y faisais état de ce que, d’après un sondage récent, 50% de la population américaine pouvait être considéré comme illettrée, faisant ainsi un rapport entre ignorance et maintien de la peine de mort. C’est dommage, mais je ne m’en plains pas, le format d’un journal a des exigences tout comme le genre « reportage ».

PS bis : Qu’une exécution capitale coûte plus cher qu’un emprisonnement à vie me paraît être, dans une certaine mesure, un argument en faveur des partisans de la peine de mort. En effet qu’une conviction ne soit pas régie par des impératifs économiques, surtout dans un pays où ils sont si fondateurs, lui donne une dimension symbolique que l’on ne peut pas négliger.

PS ter : Il se trouve qu’en dehors de mes activités journalistiques et littéraires qui me rapportent une fortune, je suis également artiste et que je n’ai aucune passion pour Soulages, Debré ou Klasen. C’est mal augurer de nos relations.

        le 9/1/1995

                                                                   Groupe des 5

                                Cher Club des Cinq,

    J’ai bien reçu votre lettre datée du 5/1/95 et je vous en remercie. Il faut avouer que ses termes m’ont plutôt étonné, en effet, je n’ai jamais rencontré Jean de Giacento en novembre dernier chez Patricia et Jean Eimer (j’ai un alibi) et je ne saurais donc le rencontrer de nouveau (j’ai autre chose à faire). Je ne vois, en revanche, aucun inconvénient à ce qu’il rencontre autant de fois qu’il le désire : mon sosie, celui qui se fait passer pour moi (le pauvre !) ou un quelconque imposteur.
    Quoi qu’il en soit, je n’ai rien contre (ni pour d’ailleurs) une exposition d’oeuvres de Présence Panchounette, à plus forte raison si elles sont “inédites”, aux Glacières (le froid a toujours conservé les cadavres), mais il serait peut-être bon pour ce faire que vous vous rapprochiez d’Eric Fabre (Galerie de Paris, 6, rue du Pont de Lodi, 75006. Paris. 43.25.42.63) avec lequel chacun d’entre nous est lié par contrat pour ce qui concerne ce genre de réjouissances frigorifiques et posthumes.
    Sincèrement vôtre.

PS : reste encore la possibilité que je puisse me téléporter sans en avoir conscience ou bien que votre lettre soit une plaisanterie, à moins qu’elle ne soit tout simplement un “lapsus”…

le 10/01/1996

 Yannick Guillou
                            Editions Gallimard
                            5 rue Sébastien Bottin
                            75328 Paris Cedex 07

                Yannick Guillou,

    Légèrement surpris d’avoir eu connaissance de la parution de mon livre en l’apercevant à la devanture d’un libraire. J’en ai acheté deux exemplaires, boulevard Raspail, lorsque j’eus décliné ma prestigieuse identité la vendeuse m’a consenti un rabais de 5%… L’élégance se perd et la courtoisie aussi… J’aurais préféré recevoir mon chèque mais ç’aurait été faire preuve de grossièreté, l’auteur doit bien souffrir quelques inconvénients puisqu’en contrepartie il jouit de tant d’avantages. N’est-ce pas ?
    Quoi qu’il en soit : Bonne année !

 le 18.03.1996

                            Maurice Nadeau
                            Les Lettres Nouvelles
                            43 rue du Temple
                            75004 Paris

                    Messieurs,

    Je vous ai adressé un manuscrit intitulé Mal de père le 1.06.1995, n’en ayant aucune nouvelle je vous ai écrit le 29.01.96 pour m’en inquiéter, vous m’avez répondu le 1.02 pour me signaler que le “délai d’attente est malheuresement (sic!) plus longue (re-sic !!) que prévu” et que je “receverez”  (re-re-sic !!!) une réponse bientôt.
    Puis-je l’espérer avant que Mal de père ne tombe dans le domaine public ou, tout au moins, avant que le fatidique délai d’un an et un jour ne soit atteint au bout duquel, si vous l’avez déposé aux objets trouvés, il pourrait vous appartenir s’il était un objet du genre parapluie ou machine à coudre ?
    Dans l’attente, je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes patientes salutations.

 le 18.09.1996

                            Patrick Porcheron
 l’Art dans vivre
                            25 bis allées de Chartres
                            B.P 103
                            33027 Bordeaux Cedex

                    Monsieur,

    Je n’ai eu connaissance que fort tard et par le plus grand des hasards de votre “plaidoyer pour un peu de sérénité”, et je le regrette. J’aurais pu demander un droit de réponse, après tout, je pourrais m’estimer diffamé, n’y suis-je pas traité d’individu “visiblement déséquilibré”, mais je suis ainsi fait que j’ai préféré en rire.
    Vous n’avez visiblement rien compris à ma petite philippique, il est vrai que vous semblez avoir quelques difficultés avec le vocabulaire et la grammaire. Vous qualifiez ainsi de “délation” les faits rapportés par toute la presse de quelque importance. En ce qui concerne mes “prétentions littéraires”, il arrive parfois même qu’elles soient publiées (ce qui, je vous l’accorde, ne constitue pas une preuve en soi). Pour couronner le tout, vous avouerez que vous innovez en qualifiant ma lettre d’anonyme alors même qu’elle est signée de mon nom.
    Je ne sais trop ce qui préside à votre article, la bêtise ou l’intérêt, sachez que peu m’importe, les occasions de rire sont tellement rares que l’on se doit de ne pas les décourager.
    Bonne continuation, comme on dit…

le 14.11.1996

 Le Festin
                                6, place de Lerme
                                33000 Bordeaux

     Monsieur,

    Je ne peux qu’admirer que vous vouliez, comme vous dites, “faire circuler des images et des textes vivants…”, à propos d’un mort.
    Je ne tiens pas, pour ma part, à courir de tels risques.
    Comme vous désirez d’autre part “révéler l’identité culturelle d’une région”, il faudra, peut-être, que vous vous posiez un jour des questions sur le goût irrépressible de tous ceux qui stagnent dans le bidet bordelais pour les cadavres et les ruines. Les seules concessions au goût du jour étant que l’on peut maintenant leur cracher à la gueule (Ah, Molinier ! Les délices de son grenier… les paysages du Lot-et-Garonne que l’on revendait aux psychanalystes… C’était le bon temps !) ou les défigurer en les illuminant maladroitement.
    Bien à vous.

PS : j’avais rendez-vous avec Agullo le lundi qui a suivi sa mort, nous devions éditer un livre ensemble, le troisième de sa “maison d’éditions”. J’avais écrit un texte (perdu ?) à son propos que j’avais adressé à Pierre Veilletet pour qu’il le publie dans Sud-Ouest-Dimanche, il ne l’a, soi-disant, jamais reçu, et il a publié à sa place une nécrologie niaise signée Moïse Braitberg qui travaillait alors à Hebdo-Gironde et qui sévit aujourd’hui dans Interview. J’ai aussi, dans mes souvenirs, et, sûrement, quelque part, une photo de Thierry Agullo à côté de ma femme qui rit, elle y est très belle et très jeune. Elle est encore vivante. Nous avons eu ensemble trois enfants. Tous vivants. C’est cela qui me préoccupe.

le 29.11.1996

Mme Françoise Giroud

     Madame,

    J’ai été un peu surpris de votre réponse. Cela fait deux ans… et vous auriez pu ne jamais répondre. Amusé, aussi, puisqu’elle me parvient une semaine, juste, avant le procès m’opposant au Nouvel-Observateur pour licenciement abusif.
    Si vous ne comprenez pas très bien le sens de ma lettre c’est qu’elle ne devait pas être très claire. Dans mon immense fatuité, bien sûr, je caresse aussi l’espoir que ce soit le “négatif”, le “critique” qui soit, de nos jours, mal compris.
    Je pense que vous pouvez, tout simplement, comprendre que j’ai beaucoup de compassion pour l’existence ravagée des deux jeunes gymnastes qui sont à l’origine de notre échange. Les étoiles c’est, surtout, dans leur tête qu’elles les voient… Et qu’en gymnastique, bien plus que dans d’autre sports “exacts” l’implantation dentaire a une importance non négligeable.
    Quant à “l’étincelle qui arrache les victoires”, c’est l’âme, sans doute, dont vous voulez parler – ce que leurs maîtres veulent ôter aux sportifs d’aujourd’hui. C’est, aussi, l’obstination que je mets à vous convaincre…
    Croyez, Madame, à mes sentiments respectueux.

P.S. J’adore le sport, cf pièce jointe.

le 12.12.1996

Cécile Lucchini

     Cécile Lucchini,

    La raison pour laquelle les images que vous aviez sélectionnées pour illustrer Mal de père étaient mal choisies est que l’on y apercevait des hommes qui se prosternaient et que rien ne m’est plus étranger.
    La raison de ma gêne était que, si mon instinct me faisait penser que vous aviez de l’intérêt pour la prosternation, ma courtoisie m’interdisait de vous en faire part.
    La suite prouve que j’avais plutôt bien deviné et m’autorise à vous sembler moins courtois. Croyez, Cécile Lucchini, que c’est une satisfaction intellectuelle que j’ai souvent éprouvée, mais dont je me serais, en ce qui vous concerne, passé.
    Bien à vous.

P.S : auriez-vous l’amabilité de me faire parvenir la cassette des rushes ?
P.S bis : vous pouvez, bien entendu, n’en rien faire, je ne vous en voudrais pas davantage.

Paris le 12.01.1997

  les Inrockuptibles
                                144, rue de Rivoli
                                75001 Paris

    C’est dans les errata, les lapsus, les mastics, coq-à-l’âne, pataquès, où l’inconscient devient, brusquement, visible, que des vicieux croient entr’apercevoir la vérité.
    Peut-être que la photographie de Marie Darrieusecq donnée, par vos soins, comme étant le portrait de Virginie Despentes, page 13 du référendum 96 de votre journal, est de ce genre.
    À considérer donc avec précaution.
    Peut-être que ces deux jeunes filles, ce qu’elles écrivent, et leur “style” sont, réellement, interchangeables.   
  L’absence d’artifice (les pieds nus, les cheveux lâchés, le visage sans relief et sans maquillage, les vêtements neutres, le tout propre), ce qu’il faut bien appeler : le look-jeune-négligé-décontract’, fait de la P.O.L blonde une punk brune, de la punk fade une P.O.L tiède, et inversement, bien sûr…
    La confusion, dans ces circonstances, est non seulement facile à faire par des secrétaires de rédaction distraits, elle est, même, recommandée par ceux qui les emploient et les annonceurs qui les financent.
    On peut dire d’elles ce que l’on peut dire des jeunes générations : ce qui les différencie, c’est leur indifférenciation.
    La seule vérité de ces clones déshydratés (Tang littéraires, Knorr de la forme, Royco du fond) étant les décors néo-étudiants-petit-bourgeois devant lesquels elles posent pour la postérité saisonnière qui est la leur, que l’on peut rabattre, sans coup férir, sur ceux dans lesquels vivotent les consommateurs qui font leur succès (néo-étudiants-petit-bourgeois). Catégories que l’on sait, depuis longtemps, être les plus “universellement méprisées”.

Le Capitaine Karim

  le 12.01.1997

                            M. Jean Daniel
 le Nouvel Observateur
                            10-12 Place de la Bourse
                            75081 Paris Cedex 02

                    Monsieur le directeur,

    Depuis la publication des “bonnes feuilles” du livre de Monsieur Georges-Marc Benamou dans vos colonnes, je suis persuadé que le scoop en ma possession vous intéressera et que, surtout, vous et vos lecteurs êtes susceptibles d’en apprécier l’infinie délicatesse. Il s’agit, en effet, des mémoires exclusives du bol alimentaire de François Mitterrand au lendemain de son dernier réveillon.
    Je suis à votre entière disposition pour discuter avec votre rédaction des conditions de publication de cette exclusivité.
    Professionnellement vôtre.

         le 12/01.1997

                                Georges-Marc Benamou
                                Editions Plon
                                76, rue Bonaparte
                                75006 Paris

                    Monsieur,

    J’ai dévoré avec la même avidité les “bonnes feuilles” de votre dernier ouvrage parues dans le Nouvel Observateur que les mémoires de Brigitte Bardot parues chez Grasset.
    J’ai apprécié à sa juste valeur l’infinie délicatesse de votre style dont a déjà dû vous faire compliment.
    Une seule chose ne semble pas abordée, qui m’empêche encore d’acquérir votre ouvrage : qu’en est-il, au juste, des selles du Président (que l’on pressent abondantes) au lendemain de ce réveillon qui restera dans toutes nos mémoires ?
    Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations extasiées.

     le 22.01.1997

                        Service consommateurs FINDUS
                        B.P. 910
                        77446 Marne-la-Vallée Cedex 02

                        Messieurs,

    Je ne me plains jamais de la nourriture, je finis toujours ce que l’on me sert, j’ai été demi-pensionnaire, mais laissez-moi vous dire que votre Hachis Parmentier (à l’Emmental) est réellement dégueulasse…
    En espérant que ma remarque, pour être abrupte n’en sera pas moins suivie d’effets, je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes salutations les meilleures.

  le 27.01.1997

M. Pierre Bertrand
 Le Bignon-du-Maine

                    Monsieur,

    Vous reconnaîtrez que j’ai laissé passer un certain temps avant de répondre au courrier me concernant que vous avez adressé (Spontanément ou non ? Je ne sais) au Nouvel Observateur pour protester contre mon article “Connards col-Mao”. La colère est mauvaise conseillère…
    Je suis assez ennemi de l’idéologie et plutôt partisan de la réalité. Considérons, donc, celle-ci en l’affaire qui “nous” concerne. Vous avez collaboré, sûrement innocemment, mais l’enfer n’est-il pas “pavé de bonnes intentions”, à tracer de moi un portrait que la rédaction savait totalement faux : jeune (j’ai cinquante ans, trois enfants, une petite-fille), parisien (je le suis depuis cinq ans), riche (j’ai été imposable en tout et pour tout deux fois depuis que je travaille : 32 ans), réactionnaire (je suis d’extrême-gauche).
    Moyennant quoi, j’ai été licencié comme un malpropre du Nouvel Observateur (Il faut que vous sachiez que le journal que, visiblement, vous lisez, ne fait pas grand cas de la législation du travail), je suis grillé dans à peu près tous les journaux auxquels je pourrais décemment collaborer, je touche 2 800 francs de chômage, je suis en procès pour licenciement abusif avec mon ancien employeur depuis bientôt deux ans et cela durera encore deux ans pour que je puisse toucher mes indemnités légales.
    Voilà pour la réalité et les effets que vous avez, avec d’autres, produits.
    Pour le reste, avez-vous seulement pensé que, si le Nouvel Observateur avait cru ne pas devoir publier mon article, il aurait pu ne pas le faire ? Que votre courrier ainsi que celui de vos “collègues” sert d’argument à mon employeur pour ne pas régler ce qu’il me doit ?
    Je n’ai pas à me justifier de ce que je fabriquais en 68, sachez, simplement, que ce que j’avançais, sur un ton polémique, d’autres que vous situez, sûrement, à gauche, le défendent également (Régis Debray, etc.), qu’un bon nombre de ceux qui ont trouvé mon article juste ou, simplement, amusant n’ont pas eu droit à s’exprimer, que votre réaction épidermique a servi à une remise au pas politique de la rédaction de Télé-Obs, entraîné d’autres licenciements, et qu’elle a été en grande partie manipulée.     Il me semblait juste que vous en soyez informé.
    Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

P.S. : Vous pouvez toujours, si cela vous intéresse, vous porter acquéreur de deux de mes “pas très bonnes copies” (que bien des critiques trouvent assez bonnes… pas ceux du Nouvel Observateur, c’est encore un effet inédit de votre courrier) : “Lève ton gauche !” (Gallimard), “Mal de père” (Flammarion), mes opinions y sont clairement lisibles. Et cela fera toujours 15 francs à rajouter à mes revenus.

le 27.01.1997

                            M. Michel Heidet
                             Paris

    Monsieur,

    La colère est souvent mauvaise conseillère, j’ai donc laissé passer un laps de temps plus que raisonnable avant de répondre au courrier que vous avez adressé au Nouvel Observateur concernant l’article (“Connards col-Mao”) dont je suis l’auteur.
    Je suis assez ennemi de l’idéologie, c’est clairement lisible dans cet article, mais vous n’y avez, visiblement, pas été sensible, et plutôt partisan de la réalité, j’espère que vous en serez persuadé lorsque vous aurez fini de me lire.
    Si l’on considère, seulement, celle à laquelle vous avez “innocemment” participé, elle se présente comme suit :
    * Vous avez tracé de moi un portrait que la rédaction savait pertinemment faux : jeune (j’ai 50 ans, trois enfants, dont l’aîné a trente ans), parisien (je le suis depuis cinq ans), riche (j’ai été imposable deux fois en trente-deux ans d’activités diverses) et, bien entendu, réactionnaire (je suis d’extrême-gauche et, contrairement à beaucoup de gauchistes soixante-huitards, je n’ai jamais changé d’opinion).
    * Moyennant quoi, j’ai été licencié comme un malpropre par le Nouvel Observateur (qui est plus de gauche dans les opinions qu’il professe que dans la réalité), je suis grillé dans tous les journaux où je pourrais décemment écrire, donc au chômage, je suis en procès depuis deux ans avec mon ancien employeur et cela durera encore deux ans avant que je ne touche les indemnités qui me sont légalement dues. Votre courrier, ainsi que celui de vos collègues, sert, d’ailleurs, d’argument pour ne pas se soumettre à la législation du travail.
    Pour le reste, je ne relèverai pas toutes les incohérences et les amalgames hâtifs que contient votre lettre, sachez seulement que : oui, la nostalgie est réactionnaire, depuis Marx tous les penseurs de gauche ont constaté la réalité de l’alcoolisme en milieu ouvrier (ayant été à la fois ouvrier et alcoolique pendant de nombreuses années, je peux vous le confirmer) et tout réexamen critique du passé ne peut se confondre avec un soi-disant révisionnisme.
    Je n’ai pas à me justifier à vos yeux de ce que je faisais en 68, vus mon âge et mes opinions, vous pouvez vous en douter. Ce que j’avançais sur un ton polémique, d’autres que moi (Régis Debray par exemple, célèbre réactionnaire) le soutiennent également. Votre réaction irréfléchie a servi à une remise au pas politique de la rédaction de Télé-Obs, causé d’autres licenciements et elle a été en grande partie manipulée.
    Il me semblait juste que vous en soyez informé.
    Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

P.S. : Si cela vous intéresse de connaître, encore mieux, mes opinions, vous pouvez vous porter acquéreur de deux de mes ouvrages (qui n’ont, bien sûr, pas eu droit aux pages Livres du Nouvel Observateur, c’est encore un effet de votre courrier…) “Lève ton gauche !” (Gallimard) et “Mal de père” (Flammarion). Cela rajoutera 15 francs à mes 2800 francs de revenus (ASSEDIC).

le 27.01.1997

M. Gérard Châtel
                             Taninges

      Monsieur,

La colère est souvent mauvaise conseillère, aussi ai-je laissé passer beaucoup de temps avant de répondre à votre lettre adressée au Nouvel Observateur protestant contre l’un de mes articles : “Connards col-Mao”.
Comme l’enfer est pavé de bonnes intentions, je tiens seulement à vous signaler que votre courrier, ainsi que celui de vos “collègues”, spontané ou non, a :
    * Tracé un portrait de moi que la rédaction savait entièrement faux : jeune (j’ai cinquante ans, je suis grand-père), riche (j’ai payé des impôts deux fois en trente-deux ans d’activités diverses : artiste, manœuvre, peintre en bâtiment, ouvrier d’usine, pédicure médical, écrivain, etc), parisien (je le suis depuis cinq ans), et, bien entendu, réactionnaire (je suis d’extrême-gauche depuis longtemps et je n’en ai pas varié).
    * Occasionné mon licenciement (ainsi que celui d’un certain nombre d’autres pigistes de Télé-Obs, pas assez politiquement corrects au vu de lecteurs comme vous et d’une partie de la rédaction pas véritablement à gauche).
    Je suis donc au chômage depuis près de deux ans, étant grillé auprès des autres journaux auxquels je pourrais, décemment, collaborer, en procès depuis la même période pour licenciement abusif avec le Nouvel Observateur (qui est plus à gauche par les opinions sans danger qu’il professe que dans la réalité sociale).
    Votre réaction assez désordonnée (d’un vocabulaire assez stalinien dans l’ensemble) a juste servi à une remise au pas politique de la rédaction de Télé-Obs qui n’affiche plus depuis cet incident que les opinions de tout le monde partagées par tout le monde (n’est-ce pas ce que vous désirez ?). Ce n’est pas à un “ex-président de corporation à L’UNEF” que j’apprendrai que l’on peut se faire manipuler et que les résultats des manipulations dont on est victime vont, souvent, à l’encontre de ce que l’on croit juste.
    Etant ennemi de l’idéologie et partisan de la réalité, il m’a semblé juste de vous informer de ce qu’a entraîné votre philippique.
    Pour le reste, je n’ai pas à me justifier de ce que je faisais en 68 (étant donné mon âge et mes opinions, c’est assez clair), sachez seulement que d’infâmes réactionnaires comme Régis Debray partagent ce que j’avançais, sur un ton polémique, à propos de Mai 68. Que réexamen critique du passé ne veut pas dire révisionnisme, que sans cela on se condamne à le revivre, comme disait un fasciste bien connu…
    Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations ?

P.S. : Empruntez donc à la bibliothèque municipale de Taninges deux de mes derniers ouvrages (qui n’ont pas eu droit aux pages Livres du Nouvel Observateur, encore une conséquence qui n’est pas sans conséquence…) : “Lève ton gauche !” (Gallimard) et “Mal de père” (Flammarion), si cela vous intéresse, mes opinions y sont encore plus visibles. Si vous les achetez, cela fera 15 francs à rajouter à mes 2800 francs d’ASSEDIC.

le 27.01.1997

                            M. J. Chevalier
                            Bois-Guillaume

                     Monsieur,

    J’ai mis assez longtemps à répondre à votre lettre adressée au Nouvel Observateur concernant un article “Connards col-Mao”, dont je suis l’auteur. La colère, comme on dit, est mauvaise conseillère, mais l’enfer est, aussi, pavé de bonnes intentions. Je ne doute pas des vôtres. Seulement, elles ont provoqué un certain nombre de faits.
    En traçant de moi un portrait que la rédaction savait entièrement faux, votre lettre a entraîné mon licenciement sans ménagement du Nouvel Observateur. Pour votre gouverne, je ne suis ni jeune (j’ai cinquante ans), ni riche (j’ai été imposable deux fois en trente-deux ans d’activités qui avaient, le plus souvent, à voir avec la condition ouvrière), ni surtout réactionnaire (je suis d’extrême-gauche depuis fort longtemps). Elle a entraîné, également, bon nombre de licenciements au sein de la rédaction de Télé-Obs. Elle s’inscrit dans une opération politique dont vous avez été l’un des innocents complices. Il faut que vous le sachiez.
    Il faut que vous sachiez aussi que depuis ce temps-là, je suis au chômage, que je ne peux écrire dans aucun journal où je pourrais décemment le faire (si l’on excepte l’Humanité…), je suis en procès avec mon employeur pour licenciement abusif (Le Nouvel Observateur est plus à gauche dans les opinions sans danger qu’il professe que dans la réalité sociale), et votre réaction légèrement disproportionnée (“Nazillon” ?) lui sert d’argument pour ne pas me régler les indemnités légales qu’il me doit (13e mois, etc…).
    Pour le reste, les arguments que j’avançais sur un ton polémique, d’autres que moi, que vous considérez sûrement aussi comme “vomisseur d’excréments” (outre qu’anatomiquement peu probable, votre métaphore est assez proche de celles que filaient les pires staliniens…), Régis Debray par exemple, les soutiennent également.
    Je n’ai pas à me justifier de ce que je faisais en 68 (vu mon âge et mes opinions, c’est assez clair), sachez seulement qu’à ne pas vouloir réexaminer son passé d’un œil critique, on se condamne à le revivre (c’est pas moi qui l’ai dit…).
    J’espère que vous avez compris qu’il fallait se méfier de soi, pour que vous vous méfiez moins de moi et de ce que j’écris, je vous conseille de vous porter acquéreur de deux de mes ouvrages : “Lève ton gauche !” (Gallimard) et “Mal de père” (Flammarion), mes opinions y sont clairement lisibles pour qui sait lire (Ils n’ont pas eu droit aux pages Livres du Nouvel Observateur, c’est un autre effet qui n’est pas sans effet de votre réaction), cela rajoutera 15 francs aux 2800 que je touche des ASSEDIC.
    Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

 le 27.01.1997

                            M. B-H. Lévy
  Le Point
                            140, rue de Rennes
                            75280 Paris Cedex 06

                    Monsieur,

    C’est bien tardivement, je m’en excuse, que je viens vous faire une remarque sur un passage de votre bloc-notes du 14 décembre 1996.
    A propos de la rencontre qui, en réalité, n’en est pas une, entre Brecht et Hitler dans une brasserie de Munich dans les années 2O, vous écrivez : “Proximité d’un instant – mais qui en dit si long ! Court circuit – mais ô combien éloquent…”.
    Ne pensez-vous pas, en vous relisant, que l’on est là plus dans l’amalgame que dans le raisonnement ?
    Je vous ai croisé, il y a six mois, boulevard Saint-Germain,  je vous ai trouvé assez maigre, pensez-vous que cela puisse être un court-circuit éloquent ? Que la proximité de cet instant en dise long ? Bien évidemment, non. Si je voulais insinuer quoi que ce soit, il me suffirait d’ajouter à ce moment de la phrase : “Alors que…”, ce qui laisserait le lecteur éventuel supposer tout et n’importe quoi.
    Ce sont, aussi, de ces incertitudes du langage, de ces astuces grammaticales que se nourrit le totalitarisme à propos duquel vous êtes si sourcilleux.
    Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

    le 28.01.1997

                            M. Bernard Guetta
                           le Nouvel Observateur
                            10-12 Place de la Bourse
                            75081 Paris Cedex 02

                    Monsieur,

    Il suffisait donc, cette fois-là, de considérer la vulgarité du style de ce qui vous était proposé pour ne pas vous faire les publicitaires d’une “affabulation”. Il est vrai qu’entre un charognard-vendeur comme Benamou et la vérité, le choix est cornélien…
    Quoi qu’il en soit, ce gibier était faisandé ; il fallait, pour s’en apercevoir, un peu de nez et vouloir à son public moins de goût pour le délétère. Ce n’est pas aisé… Pas plus que de le reconnaître ou de s’en excuser.
    Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

Le commandant Karim

P.S. : Ne pensez pas que je croie que l’obscénité n’ait rien à voir avec la littérature, en pratiquant épisodique, je suis persuadé du contraire.
P.S. bis : Ne pensez pas, non plus, que je sois un Mitterrandolâtre outré, ayant choisi Bousquet et Tapie en “toute connaissance de cause”, il pouvait bien en faire autant pour Benamou.
P.S. ter : J’espère que cette “affaire” a déclenché, au sein de votre rédaction, les mêmes réactions indignées que celles provoquées par l’article qui m’a valu d’être licencié de celle de Télé-Obs.

 le 7.2.1997

                                Eric Loret
 Libération
                                11, rue Béranger
                                75154 Paris Cedex 03

                    Eric Loret,

    D’où sortez-vous que Le wagon à vaches n’a jamais été réédité ?
    Il l’a été en 1985 avec une préface d’Etiemble (rien que ça pour passer inaperçu), aux éditions Ramsay, sous la direction de Paul Fournel. Les mêmes éditions avaient  déjà réédité La peau et les os et se proposaient de rééditer ses œuvres complètes, un troisième tome intitulé Lettre anonyme, nouvelles et autres inédits (préface de Roland Desné) parut l’année suivante, un quatrième devait clore le travail.
    Il serait dommage que le travail d’un éditeur soit passé sous silence pour servir d’accroche publicitaire à celui d’un autre.
    En espérant que vous ferez passer un rectificatif, je vous prie d’agréer, Eric Loret, l’expression de mes salutations.

 le 20.2.1997

                                Eric Loret
 Libération
                                11, rue Béranger
                                75154 Paris Cedex 03

                    Eric Loret,

    D’où sortez vous que je vous ai écrit une lettre d’insultes ? Il aurait fallu que vous la méritiez.
    Il est assez réjouissant, par ailleurs, de voir qualifier de “lettre d’insultes” la simple demande de rectification d’un fait passé sous silence en toute connaissance de cause, c’est, en tous les cas, nouveau et intéressant. Incertitudes du langage, imprécisions… c’est le sujet.
    Si on lit calmement votre article et si on le relit plus calmement encore, il en ressort que : “le Wagon à vaches parut en 1953” et qu’il est “enfin réédité”. Vous m’accorderez que l’hypothèse qu’il ait été réédité entretemps apparaît au lecteur, qu’il soit calme ou énervé, fort peu probable.    
    Les explications de la faute que vous auriez commise (plus modestement c’est une erreur ou plutôt même une maladresse), ne me semblent pas réellement convaincantes, seraient-elles écrites gros et gras. Elles ne sont ni “fausses” ni “absurdes”, ce qui est gênant c’est qu’elles n’en sont pas justes pour autant. Comme il ne me semble pas “tout à fait” juste de dire que le fonds Ramsay est épuisé, le Dilettante commercialise au moins deux titres de ce fonds, comme par hasard signés Hyvernaud.
    Tout ceci serait sans grande importance si – c’était l’objet de ma lettre -, votre article ne contribuait pas à passer sous silence un travail de réédition, celui de Paul Fournel en l’occurrence (qui a été jusqu’à le poursuivre chez Seghers malgré son peu de succès), ce qui est, pour le coup, tout à fait injuste.
    Je vous prie d’agréer, Eric Loret, l’expression de mes salutations.

P.S. Il ne m’apparaît pas nettement que vous adoriez recevoir des lettres d’insultes ou pas, justifiées ou non. Et pourquoi donc, enfin, voudriez vous que j’emploie pour vous écrire un autre ton que le mien ? Le vôtre, assez professeur pète-sec, ne me dérange pas, il me réjouit même plutôt.

le 26.2.1997

Jean Luc Allouche
Libération
11, rue Béranger
75154 Paris Cedex 03

                    Jean Luc Allouche,

    Je me suis déjà rendu antipathique à plusieurs des journalistes de Libération, je serais désolé que cela se produise encore, mais je crois que le “Stalingrad de la reconquête sociale” dont vous parlez passe aussi par un usage exact de la langue et que des incertitudes en ce domaine peuvent avoir des effets aussi désastreux que, mettons, l’abandon de la lutte des classes par la gauche.
    Ces précautions une fois prises, quelques remarques à propos de “Marqueteurs de la déglingue” paru dans la rubrique Rebonds le 19 février. Vous écrivez : “[…] dans le Hoggar où une classe spécialisée dans “l’échec scolaire” (il faudrait pendre l’inventeur d’une telle formule insane) vont à la rencontre […]”. Le verbe n’étant pas accordé au sujet le lecteur peut supposer, sans doute à mauvais escient, que vous avez été, vous même, en échec scolaire. Passons…
    Je ne déteste pas voir pendre des gens (ça fait gai), surtout s’ils sont les auteurs de formules insanes, mais pourquoi “échec scolaire” fait-il partie de cette catégorie de formules ? Parce que c’est une réalité et non une formule ? Parce que c’est l’institution scolaire qui est en échec ? C’est pas clair ! Re-passons…
    Si “l’échec scolaire” n’existe pas (pourquoi pas ?), c’est quoi ces gens qui ne savent ni lire ni écrire après 10 ans de scolarité ? Si c’est une formule à l’emporte-pièce, il se trouvera toujours quelqu’un pour demander à ce qu’il soit pendu, lui et ses semblables. Ça va commencer à faire du monde…
    Dans le même paragraphe, vous ouvrez une énumération de lieux : “[…] ; dans le Hoggar où […]”, le point virgule suivant vous avez changé d’avis : “[…] ; des exclus […] ; des Maghrébines […] ; des jeunes  […] ; un conteur […]”. L’on n’est plus ici au ras des exigences grammaticales et des “menues espérances”, mais en plein pataquès
    Un peu plus loin vous parlez de : “Gitanes œuvrant contre l’analphabétisme”, c’est sympa de leur part (elles ont du boulot jusqu’en dehors de leurs camps), mais lorsque l’on sait que la culture gitane a une spécificité bien connue, celle d’être uniquement orale, on se pose des questions sur l’avenir du Flamenco.
    Attentivement vôtre.

le 28.02.1997

Bernar Frank
Le Nouvel Observateur



    Bernard Frank,

    C’est jeudi, le jour des “poubelles bleues”. Je suis donc parti, comme d’habitude, à leur assaut. J’ai ramené de mon expédition hebdomadaire : une cinquantaine de numéros d’une revue d’extrême-extrême-droite (Lectures Françaises) et Amour et Orgasme d’un certain Dr Alexander Lowen publié chez Tchou. Cela m’a paru assez gratiné et je me promets de belles soirées en alternant ignominies et acrobaties.
    J’ai ramené, aussi, le lot habituel d’hebdomadaires en couleurs, ce sont ceux que je dépouille les premiers ; les articles étant souvent interchangeables, cela va vite.
    Et voilà que je découvre dans votre rubrique du N.O daté du 20 au 26.2 que c’est Guégan votre favori… Pour le prix Jean Freustié, un prix où je figure (je n’y figure, peut-être, déjà plus, ce n’est pas mon éditeur qui me le dira)… Une voix de foutue ! Que je ne pourrai jamais récupérer puisque vous êtes fidèle et têtu.
    C’est officiel, même les poubelles bleues peuvent nous annoncer de mauvaises nouvelles sur nous-mêmes. Pour couronner le tout j’ai laissé de côté dans ma cueillette un vieux numéro de ELLE où l’on disait que mon livre n’était pas mauvais…
    Je ne sais pourquoi (en réalité, je le sais fort bien), mais les prix littéraires me font irrésistiblement penser à ces compétitions estivales durant lesquelles, enfants, nous nous mesurions la quiquette (je perdais souvent) ; c’est donc avec la plus grande circonspection que je vous demanderai, en la circonstance, sinon d’avoir le compas dans l’œil, du moins d’examiner l’engin avec de la bienveillance, mais aussi une certaine distance.
    Tout cela, on le voit, est fort délicat, prête à confusion (ma lettre pourrait être prise, si elle n’était pas de moi et à vous adressée, pour une tentative de subornation avec disqualification définitive à la clé), d’autant plus que Guégan a déjà dit tout le bien qu’il pensait de Mal de père dans sa chronique de Sud-Ouest-Dimanche et que, de temps à autre (le dimanche soir) il partage le repas familial. Ce n’est plus la confusion, c’est carrément la chienlit ! Le bisbille dans la famille… Tout ça pour trois francs six sous…
    Il me ferait, en tous les cas (c’est l’objet de ma lettre) plaisir que votre goût pour Guégan fasse que vous lisiez mon livre, si ce n’est déjà fait. Il y a pire hasard.
    Bien à vous.

Paris le 18.3.1997

Arnaud Viviant
Les Inrockuptibles

                    Arnaud Viviant,

    Virginie Despentes vous épate. Pourquoi pas ?
    On comprend moins, en revanche, ce qui vous épate précisément dans ce qu’écrit Virginie Despentes. Et, dans le supplément à Dix, vous êtes, justement, un peu plus précis.
    Vous citez le “meilleur passage” (in extenso ?) de Baise-moi. On est un peu surpris d’abord puis, ensuite, très déçu. Etes-vous sûr que ce soit le meilleur passage ? Est-il cité correctement ? On comprend vaguement qu’il puisse épater un étudiant parce que l’on parle correctement pas correct des questions qui d’ordinaire le préoccupent, mais si l’on n’a pas les mêmes préoccupations ou plutôt si on lit, tout simplement, ce qui est écrit, on ne comprend pas que ces quelques lignes puissent soulever un quelconque enthousiasme à moins d’ignorer qu’elles ont déjà été écrites des dizaines de fois par des écrivains d’une autre trempe (Calet, Guérin, Calaferte, etc).
    Pour conclure vous parlez d’une phrase “qu’un écrivain inférieur chercherait à grand-peine” et sur laquelle on peut “gloser sans sourire”. En dehors du fait que l’on peut gloser sur n’importe quelle phrase de n’importe quel écrivain (c’est l’avantage de la glose), on y perd quelquefois son temps et, pour l’occasion, ne pensez-vous pas que c’est un peu le cas, surtout si on le fait, comme vous nous y invitez, “sans sourire” ?
    Lorsque vous glosez sur l’utilisation de l’adjectif à la place de l’adverbe vous glosez sur l’une des figures de style les plus fatiguées qui soit. Tous les écrivains néo-Céliniens (dont certains pas très bons), tous les écrivains 50 de polars (Simonin et toute la bande), tous les dialoguistes “à la Audiard” (“la fillette me les brise menu !”) l’ont utilisé jusqu’à l’user ; eux-mêmes hésitent désormais à le faire.
    Virginie Despentes vous épate avec trois mois de Minitel rose, savez-vous que José Giovanni a tué un homme ? Ça vous a une autre gueule !
    Epatant, non ?

P.S. Reste encore la possibilité que votre texte soit tout entier ironique…

Paris le 19.3.1997

Fabrice Gabriel
Les Inrockuptibles

    Fabrice Gabriel,

    Quiconque lirait votre article sur Marie Darrieusecq dans le supplément à Dix s’imaginerait que Truismes a provoqué une véritable levée de boucliers de la critique. C’est un argument publicitaire comme un autre, mais il a l’inconvénient d’être complètement faux, pour parler franc il est même un tantinet malhonnête. Vous savez très bien et vos lecteurs aussi que c’est l’inverse qui s’est produit, que Truismes a été annoncé puis salué comme l’événement de la rentrée du Monde au Nouvel Observateur en passant par Canal +Libération et les Inrockuptibles.
    Cette belle unanimité n’a été rompue que par les quelques grincheux de service qui font, aussi, partie du plan média, mais, surtout, par un seul article sérieux, celui de la Quinzaine. Cela a paru tellement surprenant à son éditeur qu’il a été jusqu’à protester contre son auteur (ce qui est nouveau en littérature). C’était, pourtant, le seul article qui rendait compte à la fois du livre et du phénomène, en marquait les limites, en bref, critiquait le plus “professionnellement” possible ce qui était proposé à l’admiration des foules conquises : un livre plutôt médiocre mais bien venu.
    La suite est celle que nous connaissons, ce qui est devenu un phénomène d’édition a été critiqué comme l’est d’habitude, sous nos contrées, un phénomène d’édition ; à savoir qu’il n’y a plus rien à en dire sauf du mal, bien sûr, puisque le succès est toujours considéré avec circonspection.
    Mais, de grâce, ne faites pas croire à une cabale contre Truismes – on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre, être maudit et plébiscité – vous vous déconsidéreriez en tant que critique conséquent ; ce n’est pas, je le suppose, l’effet recherché par votre article.

P.S. Pour quelqu’un qui aurait lu attentivement Truismes, qui se serait, par là même, rendu compte de ses limites “idéologiques”, il y aurait moins d’étonnement à constater que Marie Darrieusecq ne s’est pas toujours retrouvée en excellente compagnie.

 le 17.10.1997

                            J.C. Guillebaud
  Sud Ouest Dimanche

                Jean Claude Guillebaud,

    Je ne peux qu’admirer l’assurance avec laquelle vous ne vous sentez jamais concerné “personnellement” par ce que vous dénoncez hebdomadairement partout où l’on vous salarie pour le faire (pour ce qui est du privé, s’il faut en croire les allusions que vous faites, malgré les réseaux et les relais dont vous pouvez vous enorgueillir la situation a l’air plus délicate).
    Je vous cite : “[…] Il faut le savoir : l’écrit, la pensée, la création se trouvent effectivement menacés de déroute face au crétinisme ambiant”. Le ciel se couvre… éditorial de S.O.D du 12.10.
    Je suppose que vous vous placez, évidemment, du côté de l’écrit, de la pensée et de la création, mais êtes-vous certain de n’avoir jamais donné dans le crétinisme ni dans l’ambiance ? Moi pas, pas moi.
    Je ne sais pourquoi, mais à vous lire, je ne me laisse jamais aller à la connivence que vous sollicitez… Pire encore, je me sens du côté des crétins qui écoutent patiemment les experts, dont vous êtes, analyser avec pertinence les erreurs qu’ils recommandaient il y a peu. On ne se refait pas ! Je me demande même comment vous pouvez faire pour avoir toujours raison, à tel point que si ça continue vous remplirez à l’écrit le rôle que tient à l’oral Jean Marie Cavada.
    Veuillez agréer, Jean Claude Guillebaud, l’expression de mes salutations.

P.S. : J’étais, par hasard, présent au Salon du livre de Bordeaux, j’y ai vu beaucoup de crétins du côté de l’écrit, de la pensée et de la création… davantage que du côté de ceux que l’on faisait défiler (admiratifs encore, mais pour combien de temps ?) devant eux.

le 20.10.1997

                            Pierre Drachline
   le cherche midi éditeur
                            23, rue du Cherche-Midi
                            75006 Paris

                Pierre Drachline,

    Je vous remercie de la rapidité et de la clarté de votre réponse.
    Que vous ayez quelques doutes sur mes talents de polémiste, je n’ai rien à y opposer, c’est une question de goût dont on sait qu’il ne se discute pas. En revanche, je ne comprends pas bien (sans doute me suis-je mal exprimé…) les objections que vous faites au texte.
    J’ai consacré plusieurs pages à expliquer les limites de la critique ad hominem tout en avançant qu’il n’était guère possible, dans un texte de ce genre, de faire l’impasse sur l’ad personam.
    La thèse centrale de Assez ! est qu’il n’y a pas “trahison” ou “autotrahison” (ce qui pourrait être romantique et grandiose) de la “génération de ceux qui ont eu 20 ans en 68… “, mais bel et bien réalisation des contradictions inhérentes à une classe sociale, en l’occurrence la classe moyenne.
    En ce qui concerne Debord, pourquoi donc l’éviter puisqu’il fait partie de l’époque en question ? Je ne comprends pas, pour ma part, comment les objections et les critiques faites à une œuvre ou à une personne peuvent nier l’œuvre ou la personne. Il me semble que l’intérêt et le respect que j’ai, pour les deux, sont clairement signalés à maintes reprises dans ce chapitre ; pour la dévotion, il y a les dévôts.
    Je ne pense pas que ces quelques mises au point puissent vous faire changer d’avis, ce n’est pas l’effet recherché, il m’a simplement semblé juste de vous en faire part. Pour le reste : reprendre au début !
    Veuillez agréer, Pierre Drachline, l’expression de mes salutations.

       le 24.10.1997

                            Pierre Drachline
   le cherche midi éditeur
                            23, rue du Cherche-Midi
                            75006 Paris

                Pierre Drachline,

    Je vous remercie de votre réponse. Vous avez, sûrement, autre chose à faire que répondre à un type qui a, tout de même, l’air de rien, quelque chose à fourguer, j’y suis d’autant plus sensible.
    Je ne voudrais pas tenir le rôle du fâcheux qui rentre par la fenêtre lorsqu’on lui ferme la porte (il n’y a rien de plus éloigné de mon caractère) et qui veut avoir raison à toute force, mais deux remarques à propos de votre réponse et je vous laisse travailler.
    Ce n’est pas parce que “les anonymes de Mai 68 n’étaient pas tous issus de la moyenne bourgeoisie” qu’ils ne servaient pas ses intérêts. Debord a toujours pensé (et écrit) que les idées situationnistes avaient influé sur les “évènements” à tel point qu’ils les avaient réalisées. Il a raison ou il a tort, mais, son opinion est, pour la circonstance, critiquable, alors que c’est loin d’être toujours le cas.
    Bien à vous.

 les premiers jours de 1998

Didier Lamaison

    Didier L,

    Pour quelqu’un qui déteste les compliments, c’est gagné !
    En réalité, parce qu’il faut, de temps à autre, que l’ego se refasse la cerise, ta lettre m’a fait très plaisir. Bien sûr que les boxeurs s’embrassent, non sans s’être copieusement foutu sur la gueule au préalable ; comme ce n’est plus de notre âge, nous nous dispenserons des préliminaires.
    Pour ce qui concerne les objections faites dans ta lettre, car c’est bien ce qui peut me faire avancer plus que le reste, ce sont celles qui me sont le plus couramment faites par les professionnels, généralement de manière plus abrupte.
    Objectivement, elles sont tout à fait justifiées. Même Lève ton gauche !  (qui n’est évidemment pas un polar — il a été publié, pour la première fois, dans la collection “littéraire” chez Ramsay, où il était davantage à sa place, à côté de Roubaud, Morgiève et Cie — ni même une quelconque subversion du polar ; qu’il ait été publié par Raynal vient, tout simplement, du fait qu’il a été amoureux de moi le temps de me signer un contrat, manque de pot ! j’étais trop belle pour lui, la suite des évènements l’a bien montré) n’est pas, à proprement parler, un roman, mais, plutôt, la succession de 12 + 3 textes plus ou moins habilement enfilés. Il n’empêche que je continue de résister à ces reproches, seraient-ils amicaux.
    Si j’écris comme cela c’est que je suis comme ça. Cela tient à quantité de raisons.
    J’étais un cancre et ma pensée n’est pas aussi bien organisée que celle d’un bon élève, ça me permet d’oser ce que les bons élèves n’osent pas : rendre un torchon !
    J’ai une culture bizarre (qui s’apparente, alors que je ne le suis pas vraiment, à celle d’un autodidacte) où se télescopent Baudrillard et Paris Boum-Boum et je déchiffre, sans pour cela les confondre, ces textes comme un texte. Je parle de tout le monde et du monde entier et, pour en parler, je n’emploie pas une voix, un ton, pas même un style, mais des voix, des tons, des styles. On peut s’y perdre, j’essaie, du mieux possible, d’éviter de le faire.
Last but not least, la culture que j’ai, professionnellement, fréquentée  le plus longtemps est celle des arts plastiques et il est, depuis longtemps, admis (parfois, hélas ! comme si cela allait de soi) que l’on peut utiliser pour peindre l’hétérogène les méthodes les moins orthodoxes : le collage, le montage, le hasard, etc… Cela m’a marqué, sans doute, plus que de raison. Il y a des procédés de ce genre dans Assez ! (et des coq-à-l’âne en pagaïe), cela en rend la lecture parfois malaisée, mais cela produit (je crois) des courts-circuits bienvenus qui viennent du rapprochement incongru (et qui le reste) d’ordres hétérogènes.
    Peut-être que ce défaut (que je considère comme une qualité au sens de : “caractéristique”) vient, dans le cas précis de Assez !, du fait que je me suis laissé entraîner à trop (en) dire, comme on le fait dans l’urgence. Cela permet à ceux qui sont violemment opposés à son fond d’en disqualifier la forme et de justifier leur refus… “Tout ce qui est exagéré n’est pas recevable !”… Bla-bla-bla !
    Cela me permet, en tous les cas, de laisser les choses, non pas en l’état, mais en suspens. Je me méfie, plus que tout, des théories bien foutues qui ont un sens (obligatoire) et par lesquelles tout passe de gré ou de force. C’est une critique de l’aveuglement que je voulais faire dans Assez ! et une critique de l’aveuglement généralisé, davantage qu’une critique de tel ou tel point particulier ; j’avais prévu, d’ailleurs, si ce premier tome rencontrait le succès (comme quoi le soi-disant critique de l’aveuglement peut, lui aussi, s’aveugler) d’en écrire un second (Il m’en reste !).
    Je ne veux pas avoir à toute force raison, mais je suis persuadé que je n’ai pas tout à fait tort.
    En vieux pratiquant de la dialectique (“non pas réconcilier les contradictions, mais les exaspérer”) je pense que : “Tout est lié”, en observateur désenchanté du “monde tel qu’il est”, je pense que rien ne peut l’être. Le meilleur moyen de donner un reflet à peu près présentable des choses étant, peut-être, de les faire se réfléchir dans un miroir brisé (Rita Hayworth défigurée par Orson Welles n’a jamais été aussi belle…).
    Savoir maintenant si cette attitude est la mienne parce que je l’ai choisie ou bien parce que je ne peux (sais) pas faire autrement, je n’en sais rien ! Il n’empêche que je peux constater tous les jours que des têtes mieux faites que la mienne n’écrivent pas le quart de la moitié du commencement du début de ce que j’écris… De là à incriminer la manière, il n’y a qu’un pas que je me hâte de franchir lorsque j’ai besoin d’un peu de confort (Pourquoi je n’y aurais pas droit moi aussi ? Je me casse assez le cul !).
    Ce que je sais, c’est que cela déclenche, effectivement, des résistances chez les professionnels. J’essaie d’être meilleur tous les jours, je n’y arrive pas forcément… La plus belle fille du monde…
    Je crois, aussi, que la littérature a assez vite oublié les grandes ruptures du début du siècle et que, petit à petit, le métier traditionnel a repris sa place au centre du village. C’est l’élégance française : costume gris, cravate assortie ; les Anglais mêlent, pour leur part, les pois, les carreaux et les raies. Ils y arrivent mieux que nous qui avons l’air dans leurs affutiaux de perroquets éthyliques. C’est, sans doute, mon côté bordelais qui veut tenter le coup !
    Pour le reste des origines, c’est bien ça : du béarnais, y’en a ! avec une pointe d’aragonais (une espèce de béarnais à la puissance n) pour rendre le tord-boyaux plus gouleyant…
    Bien évidemment, tu peux garder l’exemplaire de Assez ! en ta possession. Et le faire circuler, puisqu’il n’y a, pour l’instant, pas d’autre moyen que celui du samizdat pour le faire vivre.
    Bonne année !
    Amicalement.

P.S. : pour “acculturation”, tu as raison, remplacer par : “destruction de la culture” (déculturation n’est pas très élégant). En revanche, l’origine du mot est donnée par le Grand Larousse de la langue française comme : “américaine” (sic !) et datant de 1938.
P.S. bis : je te joins un opuscule de commande où les justifications que j’avance plus haut sont déclarées comme étant des intentions (ce n’est pas pour cela qu’elles sont plus acceptables) et je me permettrai de t’envoyer, lorsqu’il sera achevé, un texte de commande sur la guerre où le procédé est exaspéré.
    Ce qui manque, c’est le lecteur !

 12.01.1998

Verticales

                                 20 , rue Visconti
                                75006. Paris

                     Cher ?,

    Il y a trop peu de différences entre la version que vous m’avez rendue et celle que je considère comme définitive pour que vous ne vous engueuliez pas, de nouveau, avec votre partenaire et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, je suis un être tout ce qu’il y a de pacifique.
    C’est le projet qui est ainsi fait et qui ne vous convient pas. Dit sur un autre ton (moins énervé ? Mais lorsque l’on est énervé, il est logique que des marques d’énervement soient visibles dans ce que l’on écrit, c’est une loi du genre), ce que je dis aurait moins de valeur à mes yeux. Les textes qui disent tout d’un seul ton (invective ou raisonnement, peu importe) sont trop facilement repérables et, par là, trop facilement récupérables.
Assez ! appartient à la catégorie de l’intempestif, il faut l’aimer comme cela et c’est comme cela que la plupart des éditeurs le détestent.
    Au fait, combien de livres publiés valent que l’on s’engueule à leur propos ?
    En revanche, je vous joins des extraits de la réponse adressée à une lettre (dithyrambique… Il n’a pas de responsabilités éditoriales, ça lui coûte moins…) d’une connaissance, vague soutier chez Gallimard. Mon projet y est plus visible (dans la mesure où c’est un projet).
    En cadeau, je vous joins aussi un petit livre qui m’avait été commandé pour une expo où il est “réalisé”.
    Je me permettrai de vous envoyer, lorsqu’il sera achevé, un autre texte de ce genre commandé par l’Historial de la Grande guerre de Péronne (sic). Il est plus facile de faire passer ce genre de fantaisie dans un milieu qui n’a pas les préventions du milieu littéraire sur les textes qui “bringuebalent” ; il est vrai, aussi, que j’y suis plus connu. Je soupçonne qu’il aura un destin aussi baroque que les autres.
    Cordialement.

P.S. : Sans compter que les objections du milieu littéraire sur la forme se révèlent être, souvent, des objections sur le fond (dont personne, finalement, n’aura connaissance et laissez-moi penser que c’est dommage). Allia ne supportait pas le chapitre sur Debord, c’était le chapitre préféré de Raphaël Sorin ! Ainsi de suite…
    Il y a peu de “post-célinien” dans Assez ! mais, comme c’est ce qui fait le plus de bruit, c’est ce que l’on a tendance à entendre le plus.
    Et qui a dit que les comptes ne devaient pas être réglés ? C’est un avantage qu’ils ne méritent pas (ils ont tous les autres) que l’on donne aux puissants de se contraindre à ne pas les dénoncer.

 25.04.1998

                            M. J. Daniel
 le Nouvel Observateur
                            10/12, Place de la Bourse
                            75081 Paris Cedex 02

                    Monsieur,

    Je trouve assez farce que, pour le 30ème anniversaire de Mai 68, vous ayez choisi, comme accroche publicitaire, de titrer : « LA FAUSSE RÉVOLUTION ».
   Je trouverais cela encore plus drôle si je n’avais pas été viré avec perte(s) et fracas* de votre hebdomadaire pour avoir affirmé la même chose de façon polémique dans Télé-Obs ; si je n’étais pas toujours demandeur d’emploi depuis, grâce à vous et à la pleine page d’insultes staliniennes dont j’ai été gratifié dans votre « Courrier des lecteurs » sur mesure (« Vomisseur d’excréments », « Nazillon », « Trou du cul Doc’Martens », j’en passe et des meilleures !) ; si je n’avais pas, d’autre part, conscience d’avoir été le bouc émissaire d’un règlement de comptes intérieur et celui qui a permis, bien malgré lui, la remise au pas d’une rédaction trop indépendante aux yeux de ceux qui y font alterner, désormais, eau tiède et eau bénite.
    Pour ce que j’avançais de plus à propos de Mai 68, vous en faites état dans l’éditorial de votre fac-similé nostalgique, c’est le jugement de Régis Debray que vous réfutez encore en lui opposant ce qui n’est qu’une opinion (être persuadé d’être dans une « situation révolutionnaire » ne veut pas dire que cela correspond à une réalité…). Régis Debray que, à ma connaissance, vous ne considérez pas comme étant de droite ni, à plus forte raison comme un « nazillon » et que, en tout état de cause, vous n’auriez pas viré sans préavis.
    Quoi qu’il en soit, encore un effort, camarade ! et pour le 40e anniversaire, vous vous alignez sur mon analyse.
    Bien à vous et à votre conscience.

le Nouvel Observateur a été condamné dans cette affaire pour « Licenciement abusif » par le Tribunal des Prud’hommes en mars 1997. Il a, bien sûr, fait appel.

                       2.06.1998

                                Christian Authier
                                s/c Éditions du Rocher

                    Monsieur,

    Je viens de feuilleter votre ouvrage consacré à Patrick Besson paru aux Editions du Rocher et je lis, page 55, à propos de la condamnation de Mike Tyson pour viol : « Le procès fut pour le moins discutable et les preuves légères* ».
    J’écris en ce moment une biographie de Mike Tyson pour les Editions Grasset, vos informations m’intéressent donc au premier chef. D’où les tenez-vous ? Quelles sont-elles ? Pouvez vous me les communiquer ?
    En vous en remerciant à l’avance, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

  * Selon celles que je détiens (mais je le répète, j’ignore tout des vôtres) si l’on se réfère à une seule de ces preuves (abrasions vaginales, s’il faut être gynécologique), il y a une chance sur mille que Mike Tyson n’ait pas violé Desiree Washington.
    Pour ce qui est de votre opinion, sachez que c’est, aussi, si l’on excepte celle de Patrick Besson, celle de tous les beaufs qui, comme vous le savez, se caractérisent essentiellement par leur indépendance d’esprit. Sachez aussi que les lois sont, certes, faites pour être transgressées, mais qu’elles sont aussi, accessoirement, faites pour protéger les jeunes filles imprudentes et les écrivains qui pourraient se faire casser leurs lunettes.
    Si vos affirmations se révèlent aussi « discutables » et « légères » que vous l’affirmez du procès et des preuves qui ont conclu à la culpabilité de Mike Tyson – il est vrai que vous prenez déjà des précautions à ce sujet en rajoutant à ce que vous insinuez : « A la rigueur, cela n’est guère important » -, il me faudra conclure, à contrecœur, que vous n’écrivez que des conneries.

P.S. Pour votre gouverne, il y a une différence essentielle entre un gant de boxe et un stylo : l’un fait plus mal que l’autre quand on le prend dans la gueule. C’est un ancien pratiquant qui vous l’affirme.

 4.07.1998

                                Michel Enrici
                                École des Beaux-Arts
                                Marseille

                    Michel Enrici,

    Il m’arrive encore, en dilettante, de parcourir les revues d’art contemporain, de me tenir vaguement au courant des débats qui agitent le milieu, etc. Je suis donc tombé, un peu par hasard, un peu par intérêt, sur « Contribution à une culture de l’objet » où il est question, lors de l’une de vos interventions, de Présence Panchounette, groupe dont j’ai eu l’honneur et l’avantage de faire partie.
    Pour ce qui est des jugements que vous portez sur notre intervention à partir des cartons de SDF et des comparaisons (toutes à notre avantage à ce que j’ai cru comprendre) que vous faites avec le travail de Krzysztof Wodiczo, c’est le libre jeu des opinions et des jugements qui s’y déploie, je ne vois rien à y opposer. Mais, en ce qui concerne la manière dont vous rendez compte de la façon dont ce travail a été exécuté, je relève plusieurs inexactitudes qui ne sont pas indifférentes. Vous tomberez, d’ailleurs, je le suppose, d’accord avec moi : la manière n’est jamais indifférente… surtout en la circonstance.
    Où avez-vous (ap)pris que nous « négocions » avec leurs propriétaires les petits cartons que nous exposions ensuite, que nous le faisions avec une « férocité extrême », et que c’était l’un d’entre nous qui était chargé de ce travail ? Cela ne correspond en rien à la réalité.
    C’est la « férocité extrême » qui pose, plus que le reste, un léger problème, elle pourrait laisser planer une ombre sur ce qu’étaient, en la circonstance, nos intentions, qui n’ont pas besoin de cela pour être apparues troubles aux yeux de certains alors qu’elles nous ont toujours semblé claires. Nous avons toujours attiré le phantasme, celui-ci en l’occurrence est assez ignoble. L’extrême férocité, nous avons toujours essayé de la destiner aux puissants, tout au moins à ceux qui l’étaient plus que nous… avec le succès que l’on sait !
    Pour la petite histoire et pour votre information, nous avons reproduit ces cartons sur des plaques en cuivre comme celles des médecins, des notaires et des sociétés, nous les avons exposées, pour la première fois, dans les jardins de la Préfecture de la Nièvre à Nevers dont le maire, à l’époque, était Pierre Beregovoy qui, inaugurant cette exposition : Nature inconnue, a lâché en les apercevant : « Il faut que ce RMI passe ! »
    Présence Panchounette avocat du RMI, voilà de l’inédit ! Du sensationnel ! Et de quoi nous sanctifier plutôt que nous diaboliser…
    Bien évidemment, il ne me dérange nullement de passer pour un infâme salopard aux yeux d’un monde que je considère comme une saloperie, ce qui me dérange c’est de ne pas le mériter.
    Bien à vous.

le 15.2.1999

                                Josyane Savigneau
     Le Monde

                    Madame,

    Je viens de lire votre article : « Des femmes entre mémoire et avenir ». Je voudrais juste vous signaler que l’exemple que vous avez pris pour affirmer que l’idée de LA femme était revenue n’est pas excellent.
    Je ne crois pas que ce soit la déclaration — qualifiée de « courageuse » — d’Amélie Mauresmo de son homosexualité qui ait posé un problème (pour ce qui me concerne, je m’en fous !), mais son « apparence » physique à une époque où le dopage et les manipulations génétiques sont sur le devant de la scène.    
    Reste, après les déclarations assez connes de ses adversaires : « C’est un vrai mec, maintenant ! » qui appartiennent à la finesse habituelle de jugement en vigueur dans les vestiaires, le problème de savoir si les épaules et la mâchoire d’Amélie Mauresmo sont « naturelles », ou si la joueuse de tennis, comme bon nombre de ses collègues masculins, appartient à une nouvelle espèce dont il faudra bien qu’un jour une Simone de Beauvoir quelconque s’occupe en déclarant : « On ne naît pas mutant, on le devient  ! »
    Il y aurait quelques autres objections historiques et philosophiques à vous opposer, mais elles sont de moins d’importance que la découverte d’une nouvelle « nature » pharmaceutique que je trouve esthétiquement assez réussie  et fonctionnellement efficace, mais qui est, peut-être, moins progressiste qu’il n’y paraît.
    Bien à vous.

le 8.3.1999

                                Josyane Savigneau
 Le Monde

    Toutes ces femmes qui montent sur le podium grâce aux hormones mâles sont pour moi une ode déguisée à la phallocratie.

Boris Cyrulnik

     Madame,

   Je crois que vous m’avez mal compris.
    Soyons donc plus précis au risque de lasser. Pour ce qui est des objections que vous me faites : Davenport est assez grande, le dopage ne fait pas grandir (on peut être très petit et très dopé, exemple fameux : Mohamed Benaziza, un mètre cinquante et des poussières, pas loin du quintal, culturiste français de haut-niveau mort d’overdose avant une compétition) ; Navratilova, sans être une liane, avait une masse graisseuse beaucoup plus importante que bon nombre de tenniswomen modernes (cette “définition” musculaire est, chez tous les sportifs actuels, une constante due à leur préparation scientifique et qui n’est pas sans poser, parfois, des problèmes benazizesques donc dramatiques de déshydratation) et, de ce fait, sa puissance pure leur était bien inférieure. En ce qui concerne Amélie Mauresmo, non, elle n’était pas construite comme elle l’est actuellement quand elle avait treize ans (c’est normal… elle n’avait que treize ans) ; treize ans, c’est jeune pour commencer un traitement, mais ça s’est pratiqué, ça se pratique et ça se pratiquera.
    Les traitements pharmaceutiques ne peuvent pas, encore (il n’en sera pas de même lorsque l’on interviendra directement sur le patrimoine génétique… c’est à l’étude), faire des colosses avec des rachitiques, mais, quant à ceux qui ont hérité d’une bonne base, dont Mauresmo fait indéniablement partie, ils les transforment visiblement comme il est bon qu’ils soient transformés suivant leur spécialité et l’idéologie en cours.
    On ne peut pas affirmer que ces transformations sont dues à des adjuvants, on peut simplement “savoir” que Linford Christie, Evander Holyfield ou Gail Devers, par exemple, ne doivent pas leurs changements de morphologie à leur seul travail. Ce sont des choses assez reconnaissables pour qui en est familier (il suffit pour qui l’est moins d’avoir Ben Johnson et Florence Griffith-Joyner en mémoire). Ces transformations ne vont pas sans laisser quelques indices : acné, élargissement des maxillaires pour les plus anodins (d’où l’épidémie d’appareils dentaires chez les sprinters). La mâchoire d’Amélie Mauresmo est assez typique de ce style d’effets secondaires. Rien ne dit, non plus, que sa forme et sa dimension ne soient pas “naturelles”. Bien sûr, aujourd’hui, ça tombe mal, mais pourquoi l’accabler ?
    Les réactions à ses déclarations sur son homosexualité n’ont pas été plus agressives que celles qui ont suivies celles de ses collègues des années 70 et 80, loin de là ! Bien au contraire, la quasi unanimité des médias (y compris les journaux sportifs d’ordinaire plus machos) se sont fait l’écho de son courage, etc. (pour de forts mauvaises raisons d’ailleurs, dont la première est le chauvinisme qui leur sert de pensée critique), les magazines les plus populaires leur ont emboîté le pas* en chantant le même refrain (Et 4 et 5 et 6-0 !). Tous les faiseurs d’opinion se sont montrés, en l’occurrence, du plus parfait libéralisme ; le public, lui, s’en fout, il réclame Virenque sur l’air des lampions, tout ce qu’il désire c’est du spectacle !
    Dans le cas de Mauresmo, certain(e)s ont mis en doute sa “féminité” sous prétexte qu’elle était homosexuelle (je vous ai dit ce que j’en pensais), d’autres sous celui qu’ils la soupçonnaient de faire partie d’une “catégorie” différente (comme d’ailleurs bon nombre de ses collègues masculins), d’autres encore ont volontairement confondu les deux.
    Les traitements que l’on prescrit aux sportives vont (ce n’est pas de ma faute, c’est comme ça !) vers un effacement des caractères sexuels secondaires (diminution du volume des seins… pour les hommes c’est l’inverse : gynécomastie, etc.) et une “virilisation” (hirsutisme, aménhorrée, augmentation de la taille du clitoris, modification des comportements sexuels, j’en passe et des meilleures). On peut, hélas ! en examinant le physique de notre héroïne nationale, son style de jeu, la puissance qu’elle développe aussi jeune ; en connaissant les cures actuellement imposées aux sportives ; en sachant que la discipline où elle évolue n’est pas à la pointe de la détection (de quoi d’ailleurs ? La plupart des produits utilisés sont indétectables), sans parler du cas Korda, émettre quelques doutes prudents à son sujet, ses préférences sexuelles n’ayant, une fois de plus, rien à voir là dedans. Les sœurs Williams font partie de la même catégorie de mutantes qui pratiqueront un tennis de plus en plus proche du tennis masculin, aussi emmerdant à regarder, mais plébiscité par les foules et les sponsors.
    Tout cela peut seulement être évoqué, puisqu’on ne peut écrire, sans risquer un procès, que Frankie Fredericks ou Grit Breuer se dopent — sauf quand ils se font prendre — mais on le sait… Ça se voit et les spectateurs moyens ne sont pas aveugles !
    L’une des objections (la plus con) a effacé l’autre (la plus inquiétante) dans votre esprit. Que je reprenne avec toutes les précautions d’usage la seconde ne doit pas vous faire penser que mon argument est “aberrant” (ce sont les pratiques qui le sont… et encore ? Après tout, dans un monde dominé par la marchandise, pourquoi pas ?) ni “très symptomatique” de ce que vous dites pour la simple raison qu’il n’est pas du même ordre et qu’il soulève des problèmes, qui n’existaient pas du temps de Simone de Beauvoir et de Suzanne Lenglen, sur nature/culture qui viennent se surajouter à ceux plus anciens qui n’en sont pas, je vous l’accorde, réglés pour autant.
    Pour ce qui est de l’usage de prothèses chimiques dans la compétition de haut-niveau, la situation est d’ores et déjà bien pire que les fantaisies cyclistes le font soupçonner ; les sportifs et les sportives en étant, bien entendu, les premières victimes pour la plupart inconscientes. Ce sont les sacrifices ordinaires que l’on se doit de faire si l’on veut voir naître ce que d’aucuns ont appelé de leurs vœux : une nouvelle race.
    Excusez-moi d’avoir été un peu bref la première fois et un peu long la seconde.
    Bien à vous.

* Ce n’est peut-être pas bon signe : lorsque l’un des types avec qui je me suis entraîné pendant des années a été le porte-drapeau de la délégation française lors des J.O. de Munich, personne n’a remarqué qu’il était arabe ni parlé d’intégration à son propos… cela allait de soi !

     5.05.1999

                                Le Bon Marché
                                Relations clientèle
                                22-24, rue de Sèvres
                                75007 Paris

    Monsieur le responsable des relations clientèle du Bon Marché,

    Il y a quelques mois, j’ai apporté une montre à réparer auprès de votre service horlogerie.
    Montre mécanique de marque peu connue, âgée d’une trentaine d’années, remontoir cassé.
    Accueil très professionnel, devis proposé, saisie de la montre, etc.
    Devis proposé, un mois plus tard : 1 700 francs.
    Bien que sentimentalement attaché à cette montre, j’ai trouvé que le montant des réparations proposé dépassait l’intérêt que je pouvais lui porter. En francs constants, c’est une montre qui neuve ne vaudrait, aujourd’hui, pas même la moitié de cette somme ; d’occasion, n’en parlons pas…
    Vos services, toujours aussi sérieux et professionnels, m’ont fait part d’un ton pénétré et persuasif des difficultés qui motivaient un tel tarif (montre mécanique de marque disparue, couronne cassée, pièces introuvables, sur-mesure, etc).
    Dans le courant du mois d’avril, j’ai apporté la même montre au point-montre d’un grand magasin bordelais. Réparation effectuée pour la somme de… 94 francs !
    Vous me permettrez d’être extrêmement étonné par la différence entre les deux tarifs et les deux interventions, mais, surtout, par le procédé que je vous laisserai le soin de qualifier, qui consiste à surfacturer sans raison une intervention de ce type. Il aurait été plus simple et plus honnête de déclarer que des réparations de ce type ne vous intéressaient pas.
    Dans l’espoir que ma lettre de mécontentement servira le contentement futur d’autres clients de votre service horlogerie qui, hélas, ne me comptera plus comme client.
    Veuillez agréer, Monsieur le responsable des relations-clientèle, l’expression de mes salutations.

1.06.1999

                                Annie Guimpier
                                Relations clientèle
                                Le Bon Marché
                                22-24, rue de Sèvres
                                75007 Paris

    Madame,

    J’accuse réception de votre lettre du 25 mai en réponse à mon courrier du 6 mai. Je ne m’attendais certes pas à ce que vous accabliez un service du magasin dont vous êtes l’employée, mais pas non plus à semblable langue de bois à consonance commerciale.
    Bref résumé des faits : votre espace Horlogerie me proposait de réparer le remontoir de ma montre (qui fonctionnait impeccablement depuis trente-cinq ans avant cet accident) pour la modique somme de 1 700 francs, réparation effectuée pour 94 francs (dix-huit fois moins) par le point-montre d’un grand magasin de province. Pour la somme de 200 francs (huit fois moins) j’ai eu droit à la révision, au nettoyage intérieur et extérieur et à la même garantie d’un an que vous avancez pour bien montrer la « qualité exceptionnelle » de votre service. Entendons nous bien, ce qui est « exceptionnel » ce n’est pas la qualité du se(r)vice, c’est son prix…
    Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes salutations.

le 3 juin 1999

                            Jean-Claude Fasquelle
Editions Grasset

    Jean-Claude Fasquelle,

    Lorsque l’on a prévu une catastrophe, on erre, toujours, avec l’espèce de pouvoir inutile qui permet au pire de répéter « Je vous l’avait bien dit ! » à des gens qui n’ont pas le moins du monde l’intention de vous écouter davantage la fois suivante, au mieux d’être satisfait de soi. Dans les deux cas, on radote et on perd son temps. En plus, on adresse souvent des reproches à ceux (vous en l’occurrence) à qui on n’a rien à reprocher, mais qui sont les seuls capables de les comprendre.
    Au lieu de m’appesantir sur tout ce que j’avais demandé hier qui se justifie d’autant plus aujourd’hui, je préfère me demander : où peut-on trouver Tyson ? Dans quelles librairies ? Dans quelles contrées reculées ? Pourquoi n’est-il en place nulle part ? À quoi sert de distribuer de façon confidentielle un livre qui, a priori, n’est pas destiné à cela ? Tout ceci est bien plus important que le reste. Vous savez qu’un livre invisible est un livre invendable même si son auteur est en couverture de Paris Match. J’ai déjà suffisamment de handicaps pour ne pas me voir imposer celui-là. 
    Pourquoi dépenser de l’argent inutilement ? Faire travailler des gens pour rien ?
    Je déteste gaspiller la nourriture et le travail gâché (le mien et celui des autres, les bras cassés branlent rien…). C’est l’impression la plus durable que je garderai de cette première expérience dans votre maison, celle d’un gâchis qui aurait, peut-être, pu être évité.
    À part ça : le Nouvel Observateur a perdu son appel, nul doute que, maintenant, ils parleront de ce que j’écris ; j’ai changé mon fusil d’épaule pour mon prochain livre, trouvé un sujet dont, j’espère, je pourrai parler avec vous l’un de ces quatre et continue de sourire à des gens qui voudraient me voir crever, c’est la moindre des politesses.
    Bien à vous.

     le 11.8.1999

                            Benoît Heimermann
 l’Equipe-Magazine



    Benoît Heimermann,

    Je vous remercie du compte-rendu de mon « Mike Tyson, un cauchemar américain » que vous avez publié dans l’Equipe-Magazine.
    Comme il me semble que ce compte-rendu mérite que l’on y revienne, je me permettrai de vous faire quelques remarques (trop longues) à son sujet.
    Le reproche principal que vous faites à ce livre est celui de « plaider » une cause « indéfendable ». Il me semble, justement, qu’en l’occurrence je ne plaide aucune cause, que je tente, seulement, de donner à mon lecteur tous les éléments ; à lui, s’il le désire, de juger que Mike Tyson est une victime ou un parfait salopard. Pensez-vous, vraiment, que je « vole au secours du coupable », que  j’ « excuse ses errements », que je « plaide ses inconséquences » alors qu’au contraire j’expose clairement ces errements et ces inconséquences, davantage même que mes confrères ne l’ont fait jusqu’à présent ?
    Il me semble que : soit mon livre est totalement raté (ce que, modestement, je ne pense pas), soit il peut, en la circonstance, donner lieu au même genre d’aveuglement que celui auquel je me suis trouvé confronté lorsque j’ai essayé (en vain) de faire publier les circonstances exactes de : « l’affaire Washington » dans tous les journaux qui, à l’époque, dénonçaient pêle-mêle cette petite salope et la justice américaine (forcément raciste… la nôtre ne l’étant pas, cela se vérifie tous les jours !) et faisaient de Tyson une victime et un martyr. Cette version des faits est encore colportée, lorsque notre collègue de Libération résumera la carrière de Tyson avant son combat contre Botha, il écrira que Desiree avait rejoint Mike dans sa chambre à quatre heures du matin en petite tenue. Ce qui, non seulement, est faux, mais parfaitement dégueulasse. Ne me dites pas que les circonstances exactes de cette affaire n’étaient pas connues, je les connaissais depuis plusieurs années et je ne suis pas le spécialiste « Boxe » d’un prestigieux quotidien dont le métier devrait être d’enquêter un tant soit peu et de ne pas affirmer n’importe quoi. C’est toujours cette version que, hier encore, avançait Monsieur André Rauch, universitaire prestigieux après la lecture de mon livre, preuve qu’il ne l’a pas lu (ou mal) ou qu’il est plus important pour lui de continuer à croire que les femmes sont, forcément, des salopes.
    On pourrait, pour le coup, s’offrir un peu de morale à bon compte !
    Tous ceux qui écrivent pour mystifier l’opinion ont besoin que les sportifs soient des héros ou des enfoirés (cf les jugements moralisateurs d’aujourd’hui sur « les dopés »). Je ne partage pas cette opinion et je ne pratique pas ce genre d’écriture où la morale (celle de l’auteur, mais surtout celle des puissants qui les emploient) badigeonne la réalité d’un enduit ignoble. Si j’avais été juré au procès de Mike Tyson, j’aurai voté « coupable » sans hésitation (je suis donc loin d’absoudre Tyson de ses fautes), en tant qu’écrivain je n’ai pas à le faire et je ne l’ai pas fait. En revanche, je me suis appliqué, lorsque c’était nécessaire et dans la mesure de ce que je sais de lui, à expliquer le pourquoi de son comportement ; attaché aussi à ne pas le retrancher de la communauté des vivants (comme Mailer l’a fait de Gary Gilmore dans « Le chant du bourreau » ou Truman Capote de Dick et Perry dans « De sang-froid » qui étaient des causes autrement indéfendables que celle de Tyson. Je ne cite pas ces deux auteurs au hasard, ils ont été mes modèles dans mon entreprise) et à insister sur sa dimension tragique : il ne s’est jamais appartenu comme tous les véritables héros de tragédie.
    Ce sont ceux qui l’ont adoré sans condition qui lui crachent à la gueule maintenant que cela est devenu possible et même recommandé. Si Tyson est un enfoiré, ceux qui l’ont construit, vendu, manipulé, idolâtré et ceux qui ont complaisamment relayé cette image, c’est quoi ?
    D’après votre objection il ressort que la littérature ne devrait s’intéresser qu’à rendre attachants des personnages qui le sont ou peuvent l’être (c’est qui d’ailleurs : le Père Goriot, cet avare, Emma Bovary, cette salope, Didier Deschamps, Guy Forget ?). C’est tout le contraire de la littérature. Tout au moins de celle que j’essaie de pratiquer. Lorsque l’on a choisi de le faire on a, hélas ! plus souvent les mains dans la merde que le nez dans les roses de l’hagiographie, mais c’est le métier qui veut ça..
    Bien à vous.

P.-S. : « Le combat du siècle » est le récit d’Ali/Foreman et non pas celui d’Ali/Frazier.

      le 11.8.1999

                            André Rauch
 Cultures en mouvement
                            14, avenue du 24 août
                            06600 Antibes

    Monsieur,

Je vous remercie du compte rendu de mon « Mike Tyson, un cauchemar américain » paru dans Cultures en mouvement. Je me permettrai quelques remarques sur l’article auquel il se juxtapose.
    Ce dernier fourmille de coquilles et d’inexactitudes à l’image de son titre ( « looser » pour « loser » ), en vrac : « frappeur » pour « rappeur », « 91 minutes » pour « 91 secondes », « Bentley » pour « BMW », « bar des bas-fonds » pour « boutique de vêtements », « Michaël » pour « Malik », « 2° » pour « 8° », etc… Les notes sont étranges et Joyce Carol Oates n’a consacré que quelques lignes à Tyson dans « On Boxing », elle a tracé son portrait ailleurs.
    Tout cela n’est qu’anecdotique et une bonne correctrice y aurait remis de l’ordre, en revanche que vous affirmiez après la lecture de mon livre que Desiree Washington « le rejoint en tenue légère dans sa chambre à quatre heures du matin » et que Mike Tyson a été condamné après un « étrange procès » est beaucoup plus gênant. Il s’agit, en l’occurrence, des deux contrevérités (pour ne pas dire mensonges) qui ont été le plus complaisamment colportées par la presse française dans son ensemble (il est vrai qu’elle ne fait pas souvent son travail). Ce qui me gêne dans cette version fantasmatique des faits c’est son soubassement idéologique : la victime d’un viol soit ment soit l’a bien cherché (la femme est vicieuse), et politique : la justice américaine est nécessairement raciste (la nôtre ne l’est pas, cela se vérifie tous les jours).
    Je trouve dérangeant qu’un travail qui se veut sérieux (après tout, si j’en crois votre bref C.V., vous êtes universitaire et en rien lié à ceux qui ont intérêt à en rester à cette version des faits) se contente d’approximations et d’a priori de cette sorte. Je croyais, naïvement, qu’après mon livre (et l’aveu de Tyson) il ne pourrait plus être question de cette relation des faits sinon pour s’interroger sur ses raisons et celle de sa durée. J’ai pour ma part, il y a plusieurs années, tenté en vain de faire publier un article qui en donnait une version plus objective ; il y avait bel et bien une résistance à ce sujet et il serait souhaitable de l’analyser.
    Pour ce qui est de votre hypothèse selon laquelle Tyson est une figure emblématique du quart-monde, je la trouve évidente.
    Bien à vous.

  le 9.11.1999

                        Jean-Pierre Xiradakis
  La Tupiña
                        6-8, rue Porte-de-la-Monnaie
                        33800 Bordeaux

    Jean-Pierre,

    Le 28 août, nous avons fêté l’anniversaire de mon fils aîné chez toi. On a bien rigolé, le vin était bon… mais on a très mal mangé !
    Ce ne serait pas très grave si cela ne nous avait pas coûté 2336 francs et si le personnel avait été, comme on dit, bon sur le coup.
   Entrées : pas de quoi s’indigner bien qu’un peu imprécis (trop salé, sanguette trop cuite… passons !). La suite, ça se gâte : la morue est dégueulasse (au Régent, c’est meilleur !), elle baigne dans la flotte, le poulet est pas terrible, la macaronade carrément immangeable, il y a une confusion sur l’épaule d’agneau (demandée « rose », ce qu’elle ne pouvait pas être puisqu’elle était confite, la serveuse aurait pu se rendre compte qu’il y avait confusion), de toutes les façons, elle n’est pas terrible non plus.
    On demande le changement de l’épaule en expliquant la confusion, on nous la remplace par un magret (bof !) et on commence à nous faire la gueule.
    On se marre (que faire ?), mais lorsque l’on nous demande si : « ça va ? » on répond : « non ! » (que dire ?). Du coup l’ambiance devient aussi pesante que dans les repas de famille où l’on vient d’apprendre que le gendre saute la sœur de sa femme.
    On se dispense des desserts (ça suffit ! on n’est pas venus pour se faire engueuler…), trois cafés feront l’affaire.
    Avant de quitter les lieux, il s’engage une conversation d’après-boire avec l’un des employés qui nous confie que le responsable n’est pas là et que le cuisinier remplaçant… la macaronade, c’est pas vraiment son truc ! En fait, il ne sait pas la faire !
    Pas un café offert… pas un alcool… Que dalle ! Sinon : « C’était pas bon ? Ben, tant pis ! On sait pas faire la cuisine ! »
    La colère est passée… la preuve, j’ai attendu trois mois pour t’écrire, mais : « deuxième meilleur bistrot du monde… », t’es sûr ?
    Bien à toi.

10.11.1999

                        Opening nights 3
                        35, rue de la Bibliothèque
                        13001 Marseille

    Messieurs,

Suite à votre annonce parue dans Libération recherchant des « écrivains » pouvant répondre à une commande d’écriture, je me demande (« Je m’interroge, quoi ! ») quels écrivains vont bien pouvoir y répondre dans la mesure où cette commande va devoir s’originer « dans un travail de rencontre avec des comédiens et des acteurs de la société civile ».
    Quel écrivain responsable (et de quelque valeur) pourrait satisfaire à semblable charabia ?
    Je vous en conjure : RENONCEZ pendant qu’il en est encore temps.

10.11.1999

    Pierre Le Pillouër,

Plus je relis votre lettre plus je me persuade qu’elle devrait mettre en colère n’importe quel écrivain.
    Je m’explique (je suis beaucoup plus patient que je n’en ai la réputation) : en résumé, vous me dites : je vous écris parce que j’aime moins votre dernier livre que l’on m’a prêté qu’un autre dont on m’a fait cadeau.
    C’est votre droit de le penser, mais ce n’est pas très poli de me l’écrire.
    Vous auriez pu en rester là (ce n’était déjà pas si mal !) et j’en serais resté à ce qui précède, mais vous continuez en justifiant (?) votre préférence.
    Comme vous êtes très malin, la seule chose que vous soulignez c’est le défaut dont je m’accable moi-même (à moins que je ne le revendique ?).
    Pouvez-vous imaginer qu’un écrivain mente (et que, du coup, il dise la vérité) ? Qu’il puisse leurrer un lecteur crédule ?
    Pouvez-vous imaginer qu’en réalité ce défaut est nécessaire pour que l’ensemble boîte ? Ou aurais-je dû le souligner ?
    N’avez-vous pas remarqué qu’Expos 92 (que vous préférez) était bâti sur le même principe de rupture(s) de ton(s) ? Comme elles étaient présentées comme volontaires (ce qu’elles ne sont, peut-être, pas ; il faudrait un lecteur habile pour en décider) vous les acceptez comme des figures de style abouties…
    Vous croyez tout ce qu’on vous dit !   
    Ce ratage accentuerait donc les défauts des deux textes (lesquels ? Vous n’en dites rien parce que, pour une fois, il vous faudrait penser tout seul) dont le premier lorgnerait du côté de Céline (avez-vous lu Henri Calet ?) et l’autre du côté de Debord avec un zeste de Pérec (et une rasade de qui ?).
    J’avoue ne rien comprendre à la fin de votre lettre où vos préoccupations (louches) se mélangent à vos connaissances (incertaines).
    Qu’est-ce que viendrait foutre dans ce texte la guerre de l’art et de la littérature ? La guerre du goût, je laisse à certains, qui n’en sortiront pas trop défaits, le soin de la mener.
    Et Présence Panchounette ?
  J’ai aussi été pédicure, aurait-il fallu – pour être tout à fait complet – que je parle de la guerre pédicurie/podologie ?
    Vous déconnez !
    C’est mon épouse qui m’a donné le fin mot de ce charabia : ce n’est pas à moi que vous en voulez de ne pas aller assez loin ni de prendre de risques, c’est à vous.
    Il y a des gens qui croient être célèbres lorsqu’ils connaissent des gens dont ils pensent qu’ils le sont. Ce sont souvent des éducateurs.
    Foutez-moi la paix !

P.-S. Comptez pas trop sur moi pour vous dire comment l’on fait pour aimer des gens, mais je vous donne une piste : il faut s’aimer soi-même, cela comporte une difficulté  pour certains : il faut être aimable.

16 novembre 2000

                                Sébastien Lapaque
                                et Sébastien Le Fol
     Le Figaro Littéraire

Messieurs,

On m’a signalé votre chronique sur les « écrivains passionnés par le ring » et je me la suis procurée. Je devrais être ravi d’y figurer (sans être vraiment un spécialiste – À Dieu ne plaise ! –, je crois qu’il y a quelque raison à cela), et pourtant…
    Je tiens à vous signaler, avant que le gong sonne, que je suis un être tout ce qu’il y a de pacifique et même plutôt courtois : donc les quelques remarques que je me permets de vous faire ne sont en rien déterminées par un quelconque ressentiment. Cependant, me mettre sur le même plan que Patrick Besson me semble ressortir des défauts habituels de ces chroniques qui veulent à toute force tout faire rentrer dans un espace réduit et n’aboutissent qu’au phénomène que Jean Luc Godard avait parfaitement analysé en déclarant : « La liberté de la presse à la télévision, c’est 50% pour les juifs et 50% pour les antisémites. »
    Hormis la valeur littéraire (j’ai ma petite idée à ce sujet…), qu’est-ce qui peut rapprocher le bouquin de Besson – dont la thèse centrale est, je vous le rappelle : « Tyson n’a pas violé Desiree Washington (Ben, si !), puis : « Tyson avait le droit de la violer » (Ah, bon ! Et les brutes nègres celui de casser les lunettes des écrivains bigleux, peut-être ?) – du mien, sinon le sujet ? Ce qui n’est, vous l’avouerez, pas grand-chose.
    Pour terminer, si je suis enchanté que vous me trouviez « aussi doué pour le roman que pour le pamphlet », vous comprendrez que je le sois moins que ces dons restent si secrets ; à ma connaissance, on n’a pas parlé de Tyson, un cauchemar américain dans vos colonnes, quant à Assez !… personne ne l’a fait. Pour les romans, ça va, ça vient ! Cela suffit à mon bonheur.
Bien à vous.

PS : Arrêtez par pitié de toujours citer Philonenko dont l’Histoire de la boxe est une épaisse connerie (assez nauséabonde idéologiquement par la même occasion) sous prétexte que vous l’avez sous la main, De la boxe de Joyce Carol Oates lui est cent fois supérieur.

le 16 novembre 2000

                            Philippe Nassif
                            Nicolas Santolaria
Patrick Williams
Technikart

Messieurs,

Ravi de votre dossier : « Mes parents me cassent les couilles, je n’ai jamais eu l’occasion de leur dire ».
    Comme il me semble en avoir touché quelques mots dans Assez ! paru chez Sens & Tonka, je suis d’autant plus surpris de ne l’avoir jamais vu citer par vos soins.
    Supposant que vous n’avez pas eu connaissance de son existence, je vous joins la photocopie des trois premières pages des huit chapitres qui le composent.
    Bien à vous.

PS : Ravi, aussi, de vous voir donner la parole à Gérard Berreby à propos de la censure soft ; il se trouve que les éditions Allia auraient bien publié Assez ! si j’avais supprimé le chapitre concernant Guy Debord. L’iconoclastie a ses limites… elle n’aime pas que l’on renverse ses idoles.

   le 6.2.2001

                            Mme Emilienne Kerhoas

Madame,

Le Monde des livres m’a transmis votre lettre du 18 janvier.
    Si j’ai bien compris vous protestez contre le fait que dans la note au bas de mon article sur Double cœur d’Antonia Logue, il n’est pas signalé le nom du traducteur (est-il de votre famille ou de vos connaissances ?) des poèmes de Mina Loy.
    En ce qui me concerne : je n’aurais même pas pu citer l’éditeur, j’ignorais cette publication, c’est Le Monde des livres qui a cru bon de la signaler, ce qui, vous l’avouerez, est plutôt professionnel.
    Pour ce qui est de votre interrogation finale, j’ai un début de réponse : si l’on parle si peu de poésie dans Le Monde et dans le reste de la presse littéraire, c’est que la poésie est morte (vu la forme qu’elle revêt depuis un certain temps, elle ne peut que décourager toute critique), et qu’elle ne se vend pas contrairement au roman qui est bien malade, mais qui continue à se vendre.
    Bien à vous.

le 6.2.2001

                            Laurent Joffrin
     le Nouvel Observateur

    Laurent Joffrin,

Je viens de prendre connaissance (avec un léger retard, mais vous comprendrez de ce qui suit que je n’achète pas le Nouvel Observateur, encore heureux, mon dentiste est abonné…) de votre numéro 1888 sur la couverture duquel il est fait état de « la colère des 30 ans ».
    On peut y lire un article de Patrick Williams, repris de Technikart (qu’il m’arrive d’acheter… je me coupe les cheveux moi-même), dans lequel celui-ci reproche aux anciens gauchistes une faible partie de ce que l’on se doit de leur reprocher, quel que soit son âge.
    Je suis fort surpris que vous puissiez trouver ces propos supportables (c’est-à-dire publiables) dans la mesure où, lorsque, il y a quelques années, j’ai tenu les mêmes* dans le supplément télé de votre hebdomadaire, j’en ai été licencié (abusivement) avec pertes et fracas, en ayant droit, pour solde de tout compte, à une page entière d’un courrier des lecteurs des plus ordurier (mais où sont-ils passés ?).
    La lecture, quelques pages plus loin, de l’interview de Jean-Christophe Mitterrand m’a rassuré… c’était pour rire !
    Bien à vous.

* Repris dans Assez ! paru chez Sens & Tonka, dont je suis, par ailleurs, étonné qu’il n’ait pas été question dans vos colonnes

  le 7.3.2001

                            Arnaud Viviant

    Arnaud Viviant,

Andouille est de trop, sot suffit.

  le 27.5.2001

     Le Cherche-Midi Editeur

Chantal Clouté,

Le 18 septembre 2000, on m’a assuré qu’en raison d’un changement de système comptable un nouveau relevé de mes droits me serait adressé en avril 2001 (pour l’année 2000).
    À ce jour je n’ai toujours rien reçu, je suppose qu’il s’agit d’un oubli de votre part. Auriez-vous l’amabilité de bien vouloir le réparer ?
    D’autre part, lors de votre cocktail de fin d’année, vous avez distribué un nombre non négligeable d’exemplaires de mon livre. Je considère toujours, pour ma part, qu’ils se doivent d’être comptabilisés.
    Les réponses qui m’ont été adressées à ce sujet par Pierre Drachline ne me paraissent pas satisfaisantes.
    « L’auteur n’est en rien lésé ». Et bien justement, si. Il est le seul (sans être prévenu, d’ailleurs), à ne pas être rétribué lors de cette opération promotionnelle ; ce qui revient à le traiter moins bien que les serveurs qui, je le suppose, sont rétribués comme il est normal de le faire. Si priver un auteur de sa source de revenus n’est pas le léser, je veux que l’on m’explique le nouveau sens du mot léser.
    « Cette solution vaut mieux que le pilon d’une partie des exemplaires en stock. » Bien sûr ! Tout vaut mieux que le pilon, mais il m’étonnerait que le Cherche-Midi distribue gracieusement les exemplaires de son stock destinés à être pilonnés.
    Ces objections ne sont, à mon sens, pas recevables et même, si l’on s’y attarde, quelque peu blessantes (C’est quoi l’auteur, c’est qui ? Rien. Personne. Son œuvre ? Prospectus, cadeau… pour le personnel !). Vous voudrez donc bien, je l’espère, ne pas tenir compte d’arguments de ce genre pour le calcul des droits de mon livre pour lequel, je vous le rappelle, je n’ai pas demandé d’avance.
    Bien à vous et à vous lire.

   le 21.8.2001

                            Julien David
   Télérama

Julien David,

J’ai lu par hasard (je ne suis pas un lecteur régulier de Télérama) votre chronique à propos du documentaire sur Mike Tyson diffusé sur Odyssée.
Où avez-vous pris que l’accusation de viol à son encontre n’a « jamais [été] formellement prouvée » ?
Avant même que l’intéressé ne reconnaisse publiquement les faits, je peux vous dire que, si l’on connaissait le dossier, il ne faisait aucun doute que M.T. avait violé Desiree Washington.
La presse, surtout la presse française, sportive de préférence, continue cependant à reproduire ce que vous avancez.
Dans le meilleur des cas cela provient du fait que nous pensons, sans trop réfléchir, que la justice américaine est moins juste que la nôtre, à moins qu’elle ne fasse preuve d’un racisme perpétuel que la nôtre, cela se vérifie quotidiennement, ne pratique pas. En ce qui concerne l’objet de mon courrier, la victime étant elle-même noire, l’hypothèse, à l’évidence, ne tient pas.
Dans le pire, la croyance solidement ancrée en chacun d’entre nous, hommes et femmes confondus, qu’une femme n’est jamais violée (un viol est rarement formellement prouvé).
C’est une des choses que j’ai apprises (et qui m’a rendu plus humain) lorsque j’ai écrit une biographie de M.T. pour le compte des éditions Grasset. S’il vous arrive d’avoir une nouvelle fois à écrire sur lui, je ne peux que vous encourager à la consulter au préalable.
Last but not least, je n’ai jamais vu un journaliste ayant écrit ce que vous avez recopié s’excuser auprès de la victime après avoir eu connaissance des déclarations ultérieures de M.T. C’est manquer, pour le moins, de courtoisie sinon d’humanité.
Bien à vous.

P.-S. Je serais une chienne de garde au lieu d’un mâle de la même espèce, j’aurais mordu plus fort.

 le 26.11.2001

                                    Eric Troncy
                                    17, rue du Palais
                                    21000 Dijon

Eric Troncy,

Cela fait plus d’un mois qu’un problème me tarabuste, figurez-vous que je n’arrive pas à me rappeler à qui et à quoi l’insolence dernier cri de Sylvie Fleury me fait penser ?
Comme vous semblez être spécialiste de l’œuvre de cette jeune fille, j’ai pensé que vous seriez le mieux placé pour éclairer ma lanterne.
En vous remerciant par avance de vos lumières, je vous prie d’agréer, Eric Troncy, l’expression de mes salutations les meilleures.

le 7.1.2002

 Sens & Tonka
                            99, rue du Faubourg-du-Temple
                            75010 Paris

Sens & Tonka,

Je n’ai à ce jour pas encore reçu le relevé des ventes d’Assez ! (ni bien évidemment le règlement correspondant).
Il n’est pas mauvais, lorsque les années commencent, de régler les comptes ni même de recevoir des étrennes.
J’y compte.
Bien à vous.

le 31 janvier 2002

Raymond Perrot,

Je m’excuse de répondre si tard (vraiment très tard) à votre courrier du 3 août 2001.
J’ai bien pris note de vos propositions et je vous en remercie, mais, depuis le temps que je travaille dans l’édition, j’ai remarqué une chose : qu’il soient grands ou petits, les éditeurs ont les mêmes défauts, ce sont des éditeurs ; les petits ont un inconvénient supplémentaire : ils ne paient pas.
Bien à vous.

le 31 janvier 2002

Ornicar

H&C consultants

Messieurs,

C’est bien tardivement que je réponds à votre annonce, mais vous comprendrez qu’un « magazine à forte notoriété culturelle » propose un « poste évolutif pour un candidat à fort potentiel » (ce qui ne veut pratiquement rien dire) m’ait plongé dans des abîmes de perplexité dont je ne suis toujours pas remonté.
Ce sera pour une autre fois…

     le 18.2.2002

Raymond Perrot,

J’ai très bien compris : d’après vous on serait plus libre en payant sa liberté (selon ce principe, le comble de la liberté dans le domaine qui vous intéresse, celui de l’édition, serait La Pensée Universelle) ; d’après moi, non.
Je n’ai jamais marché dans la combine, c’est toute la différence.
Bien à vous.

      le 18.2.2002

                        Jean-Paul Mazoyer
                        Directeur Marketing et Communication
                        Crédit Agricole
                        26, quai de la Rapée
                        75596 Paris Cedex 12

Cher Monsieur,

J’ai bien reçu votre courrier du 31 janvier 2002 et je vous en remercie.
Si j’en ai bien compris les termes, afin de récompenser les efforts que je fais au travers de mon PEL, que vous rétribuez aux environs de 6%, vous me proposez de bénéficier d’un crédit à un taux supérieur à 8,50%.
Si je continue à bien comprendre les avantages que vous me réservez (reprendre d’une main ce que vous me donnez de l’autre) pour me remercier de la confiance que je vous témoigne, vous me prenez pour un con que l’on peut baiser d’au moins 2,50%.
Dans ces conditions, vous comprendrez, cher Monsieur, que je ne puisse donner suite à votre aimable proposition tout en attendant avec ravissement la suivante qui saura, je l’espère, être encore moins avantageuse.
Bien à vous.

       24.06.2002

Wanadoo
Interactive/Service clients
                        B.P. 578 – 75726 Paris Cedex 15

Messieurs,

Le mercredi 19 et le jeudi 20 juin, je n’ai pu me connecter sur Internet alors que les deux voyants de mon Modem étaient allumés et fixes.
J’ai téléphoné le vendredi 21 au service assistance technique prévu.
11 heures, trois à cinq minutes d’attente annoncées. Au bout de vingt minutes d’attente, je raccroche.
11 heures 45, quinze minutes d’attente, Gilles Gilbert me répond ; après l’exposé de mes problèmes, une reconfiguration de mes paramètres (qui sont évidemment bons puisque je les ai vérifiés depuis belle lurette, il n’y a, d’ailleurs, aucune raison qu’ils aient changés), un test mire négatif (le problème ne viendrait donc pas de mon poste), il me donne un numéro d’affaire (33959059) et me demande d’appeler le 1013. Durée de l’intervention : trente minutes.
12 heures 15, Thierry de la cellule Internet me prend en ligne, à 12 heures 23, il me demande de raccrocher après avoir débranché la ligne téléphonique sur laquelle sont branchés Modem et ordinateur. Huit minutes de consultation.
12 heures 30, rappel. Cela ne marche toujours pas. Serais-je synchro, pas synchro ADWS (?), je suis les hésitations de la cellule technique sans réellement pouvoir les aider. Faut rappeler, vont faire des tests. Trois minutes.
12 heures 40, rappel. Font une manip. Toujours rien. « On fait sauter les broches ? » Un collègue a eu la synchro, lui la voit bien après ne pas l’avoir vu. Faut modifier l’équipement, changer de broche. Ça devrait être fait rapidement. Rappeler Thierry avant 17 heures 40 si cela ne marche pas.
13 heures, France Télécom m’appelle par erreur, entre temps un ami me signale qu’il n’a pas pu obtenir ma ligne, mais qu’il est tombé sur des intervenant Télécom qui lui ont affirmé faire des tests sur ma ligne ADSL.
13 heures 45, ça ne marche pas.
14 heures, appel de France Télécom : « Qu’est-ce qui va pas ? » En réalité, il s’agit d’un doublon du service informatique…
14 heures 45, ça ne marche pas.
15 heures 20, ça ne marche pas.
Comme j’ai autre chose à faire que d’attendre que ça marche, je téléphone au 1013 qui m’avait assuré que la réparation serait effectuée avant 15 heures.
15 heures 20, j’appelle. Ça coupe.
Je rappelle. Ça coupe.
15 heures 30, « Ça devrait marcher ! » Manque de pot, ça ne marche toujours pas. « Si ça ne marche pas, on vous envoie un technicien, ça fera 70 euros, s’il arrive à se connecter ! »
15 heures 40, « On vous rappelle, on va vérifier si la broche utilise le bon protocole ».
Ça ne marche toujours pas. Lors de la conversation, Thierry (nous sommes devenus extrêmement familiers) me demande si j’ai reconstruit mon bureau récemment, je lui dis que non, il me suggère de le faire avant de le rappeler pour prendre rendez-vous avec un technicien (on ne voit plus que cette solution… de toutes les façons, il n’y en a aucune autre).
16 heures, j’ai reconfiguré mon bureau. ÇA MARCHE !
J’ai donc perdu cinq heures pour un problème qui aurait dû ne pas exister si j’avais été au courant qu’il fallait reconfigurer son bureau avant de consulter les services d’assistance technique. Aucun fournisseur ne signale ce genre d’exigences comme, d’ailleurs, aucun vendeur de matériel ou de logiciel. Si je n’avais pas insisté légèrement mais fermement, la solution n’aurait pas été trouvée et lorsque le technicien serait venu à mon domicile il aurait évidemment pu se connecter, j’en aurai donc été de 70 euros INUTILEMENT et INJUSTEMENT.
Tout cela me semble de la plus haute fantaisie.
Je vous demande donc d’en tenir compte à l’avenir et, pourquoi pas, de faire un geste commercial à ce propos comme je vous ai demandé d’en faire un après une connexion initiale fort difficultueuse (courrier du 14.06).
Je vous prie d’agréer, messieurs, l’expression de mes salutations.

 24.06.2002

                                Benoît De Besses
                                Midi Libre
                                Agence de Sète

Bruno De Besses,

J’ai pris connaissance de votre article « Ça craque au Miam ! », il m’a paru fort bien fait et fort bien documenté, il m’ennuie seulement que vous y qualifiez (« pudiquement », selon vos dires) mon licenciement « d’arrangé ».
Pour le lecteur, cela signifie que je suis plus ou moins complice de la politique actuelle menée au Miam, ce qui n’est, évidemment, pas le cas ; j’ai négocié mon licenciement avec l’association, ce qui signifie que je dois respecter les engagements que j’ai pris lors de la signature de cette négociation (ce qu’Hervé Di Rosa n’a pas respecté lors d’une interview qu’il vous a donnée), le devoir de réserve en est un ; il serait regrettable que cela me soit reproché.
Les choses sont suffisamment claires sans en rajouter dans la confusion.
Je compte sur vous et sur votre compréhension pour que cela ne se renouvelle pas.
Bien à vous.

le 28 juillet 2002

                        Bernard Blistène

Monsieur Bernard Blistène,

Je tiens à vous remercier d’avoir soutenu avec détermination ma candidature à la direction du Frac Languedoc Roussillon.
Vous connaissant et sachant l’estime dans laquelle vous me tenez, il m’aurait, certes, surpris qu’il en soit autrement, mais je tenais à ce que vous sachiez que je suis toujours sensible à l’originalité de vos prises de position et toujours étonné du courage dont vous faites preuve pour les défendre.
Il n’y a de toute façon pas grand chose à regretter en la circonstance, je dois convenir que les quatre candidat(e)s retenu(e)s sont bien plus compétent(e)s que je ne le suis et leur curriculum vitæ plus prestigieux que le mien. Il est rare, de toute façon, que des personnes de votre qualité se trompent sur d’autres personnes d’une qualité équivalente.
Ce sera donc pour une autre fois.
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Bernard Blistène, l’expression de mes salutations distinguées.

P.-S. Une seule chose pourrait m’étonner dans votre choix ; si je ne m’abuse, à ma différence, tous les candidats retenus ont déjà du travail.

   le 01.08.02

                            M. Xavier Darcos
                            Ministère de l’Education nationale

Monsieur le Ministre,

J’ai appris avec intérêt que monsieur le ministre de la Culture et vous-même avez confié à Mesdames Christine Juppé-Leblond et Anne Chiffert une mission d’analyse et de proposition concernant les nouveaux dispositifs censés ouvrir l’école à l’art.
J’ai, bien évidemment, compris la nécessité de confier cette mission à deux personnes qui avaient collaboré à l’élaboration de ces mêmes dispositifs.
Quoi qu’il en soit, je n’ai pas manqué de les informer que la meilleure volonté du monde pouvait dans la réalité produire des effets surprenants ; pour ce qui me concerne, j’ai été licencié de mon poste de directeur artistique du musée international des Arts modestes de Sète (ce qui a également entraîné, de fait, le licenciement de monsieur Luc Lauras qui m’assistait) pour avoir marqué mon opposition à une opération pédagogique menée par monsieur Pierre Jean Galdin (chargé de mission auprès de l’Education nationale) et madame Chantal Creste (ex-conseillère aux arts plastiques de la région Languedoc-Roussillon), qui m’apparaissait plus démagogique que pédagogique prenant en otages les enfants dans un but purement idéologique.
Je ne peux que souhaiter que Mesdames Juppé-Leblond et Chiffert tiennent compte dans le rapport de leur mission d’effets pervers de cette sorte ; je suis, en tous les cas, à la disposition de qui en exprimerait le désir pour une analyse plus précise de ce « dysfonctionnement regrettable » et ne manquerai pas de vous faire part des résultats obtenus.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ce courrier, je vous prie d’agréer, monsieur le Ministre, l’expression de mes salutations respectueuses.

  le 01.08.02

                                    Jean-Luc Porquet
  le Canard enchaîné

Jean-Luc Porquet,

J’ai lu votre critique de « La grande désillusion » de Joseph E. Stiglitz, vous en dites le plus grand bien et je ne doute aucunement que ce livre soit aussi bon que vous l’affirmez. Dans ces conditions, il est malheureux que l’exemple donné (les poussins !) qui vous semble tellement éclairant que vous le reprenez en titre soit, si on l’examine avec un peu de bon sens, aussi vaseux.
Reprenons : une O.N.G. apprend à des villageoises marocaines à élever des poulets ; croyez vous que des villageoises marocaines ait besoin d’une O.N.G. pour apprendre à élever des poulets ? Le paragraphe suivant, on comprend mieux ; pour ce faire, on leur fournit des poussins de 7 jours, c’est à dire qu’en réalité, on leur apprend à élever des poulets comme on  les élève chez nous : mal. Est-ce vraiment la bonne méthode ? Résultat : les poussins crèvent (on peut imaginer, d’ailleurs, que les souches fournies ne sont en rien adaptées aux conditions locales), comme ils crèvent dans nos élevages ; ce qui est ennuyeux c’est que cela soit devenu aujourd’hui la norme « mondiale » de l’élevage. Qu’une entreprise privée ne puisse garantir un taux de mortalité, on le comprend ; que des villageoises ne se soient pas organisées pour s’en arranger (les poules, ça pond, ça couve et on obtient par cette méthode utilisée jusqu’il y a peu… quoi ? des poussins !), on comprend moins sinon en les voyant adhérer à une logique et à des valeurs très contestables.
L’exemple du poussin mortel et de la villageoise prudente en dit davantage sur des dysfonctionnements que Stiglitz, je suppose, n’aborde pas (ce n’est pas son sujet) que sur ceux qu’il dénonce à juste titre.
Bien à vous.

22.11.2002

                            Bernard Noël
                            C.R.L d’Aquitaine

Monsieur,

Je suis tout à fait ravi que le Centre régional des lettres d’Aquitaine s’aperçoive le 25 juin 2002 que je suis né à Bordeaux le 25 avril 1947 et que, depuis 1984, j’ai publié un certain nombre de livres chez un certain nombre d’éditeurs, mais je me souviens trop d’un entretien avec l’un de vos prédécesseurs (devenu, depuis, vendeur d’automobiles de marque Volvo) auprès duquel je sollicitais une bourse et de sa fière réponse : « On ne peut rien pour vous, adressez-vous au Centre national des lettres (ce qui fut fait… avec succès) ! » pour me sentir flatté et, comme d’autre part, ma modestie m’interdit de voisiner avec les auteurs considérables que doit, sans nul doute, répertorier votre site (il faudra, un jour, étudier sérieusement pourquoi les auteurs aiment tellement se faire répertorier, comme s’ils appelaient de leurs vœux une rafle qui ne viendra jamais ou comme si, plutôt, ils prenaient leur tour dans une file d’attente, celle qui mène tout droit à la gamelle et à la médaille en chocolat), je vous demande expressément de ne pas être présent sur le site du Centre régional des lettres d’Aquitaine.
Bien à vous.

P.-S. : La « rédaction » me concernant m’aurait, de toutes les façons, découragé de figurer dans votre panthéon régional.
Un conseil pour finir : changez de stagiaire non rémunéré ou accordez-lui une bourse…

le 30.01.2003

                            François de Banes Gardonne
                            Drac Languedoc Roussillon
                            5, rue de la Salle-l’Evêque
                            34967 Montpellier Cedex 2

Monsieur,

J’accuse réception de votre courrier daté du 14.01.03 (posté le 22 du même mois) en réponse à mes courriers des 19.03 et 10.10.02. J’ai apprécié à sa juste valeur le long délai de réflexion que vous vous êtes donné, pour, je le suppose, faire le tour complet de la question. Je dois avouer que suis un peu déçu par les conclusions que vous me communiquez.
Vous m’informez :
1/ que vous n’êtes pas « sans avoir eu écho des conflits qui ont pu avoir lieu au sein du MIAM », ce qui prouve juste que vous n’êtes pas complètement sourd et que, si vous l’aviez été, mes courriers ou la presse régionale vous auraient informé de la situation, mais que vous n’avez pas l’ouïe très fine pour autant puisque vous n’avez pas écho des conflits présents ;
2/ que, comme je le sais, « l’Etat depuis la création n’est pas membre du Conseil d’administration de l’association », il aurait, peut-être, été pertinent qu’il prenne la décision de l’être officiellement, officieusement, en revanche, il était représenté par bon nombre de ses employés titulaires ou contractuels qui, du moins en intention, se montraient fort soucieux de ses prérogatives et de ses intérêts ;
3/ que vous êtes « très attentifs à l’évolution de cette structure sétoise », c’est bien la moindre des choses puisque, je vous le rappelle, vous êtes payé pour cela ;
4/ que vous avez « œuvrés1 afin que soit mis en place un comité des tutelles » et que celui-ci « permettra de mieux appréhender le fonctionnement interne de l’association et d’évaluer les besoins et les éventuels problèmes que peut rencontrer une structure encore récente », vous n’êtes donc pas sans avoir eu écho de la récente tenue2 d’un nouveau C.A. lors du séjour en France de son président (il serait instructif de comparer les séjours en France d’Hervé DiRosa et la tenue des C.A. de l’association, on y remarquerait certaines coïncidences qui ne doivent, sans doute, rien au remboursement par celle-ci de déplacements fort coûteux) ; que ce C.A. n’était pas étendu contrairement aux déclarations de son porte-parole (et président), mais, au contraire, fort restreint ; qu’en faisait encore et toujours partie un certain nombre de personnes qui en font (ou pas) partie suivant qu’ils en retirent (ou non) des avantages financiers ; que la seule chose positive concernant le musée a été la démission de Chantal Creste (étant donné ses compétences reconnues par tous en ce domaine, elle a, néanmoins, été immédiatement nommée « Trésorière3 » de l’association !) de son poste de directrice (sic) pour retrouver l’abri de la fonction publique dont il est à souhaiter qu’on ne l’éloigne plus.
Tout cela confirme la justesse de mes analyses vieilles de deux ans et entérine l’échec total du changement décidé par le C.A. (ce changement a-t-il été décidé ailleurs qu’en son sein ? On le saura un jour…) avec son cortège de conséquences négatives passées, présentes et à venir.
En ce qui vous concerne, toutes les justifications en langage administratif possibles n’y changeront pas grand-chose : la DRAC a été le spectateur passif de ce désastre prévisible dont vous, votre assistant, Bernard Rousseaux avez été avertis à plusieurs reprises par moi-même et Luc Lauras sans pour cela prendre une seule mesure qui aurait pu l’empêcher.
Je publie en 2003 deux ouvrages dans lesquels je reviendrai, entre autres, sur ce dont j’ai été le témoin ; que tout cela soit rendu public et donc « fasse débat » (comme on dit…) sera sûrement plus utile que des courriers de ce genre.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations.

1 :  je respecte l’orthographe assez incertaine de votre courrier
2 : soyez attentifs, à la prochaine présence d’Hervé DiRosa sur notre territoire, on pourrait, peut-être, assister à la tenue d’un nouveau C.A.
3 : ce qui veut dire que le poste était vacant depuis fort longtemps bien que la signature de l’ancienne trésorière ait encore figuré récemment sur des pièces comptables

      le 01.04.03

                            Christine Mancel
                            MNAM – Centre Pompidou
                            75191 Paris Cedex 04

Christine Mancel,

En réponse à votre courrier du 24.03, vous trouverez mes réponses à vos questions.
Il est bien évident que ces réponses sont le fait de Frédéric Roux, ex-membre de Présence Panchounette et non celles de Présence Panchounette.
Elles peuvent être signées FredEx.

Question 1 : De 1969 à 1990, Présence Panchounette était de Bordeaux comme Dada est de Zürich, il s’agit donc d’un rapport sexuel.

Questions 2 : La réponse est contenue dans notre décision de nous dissoudre afin de ne pas bénéficier des subventions allouées à la subversion.
La subversion est aujourd’hui destinée à maintenir l’ordre ; à faire circuler l’argent sale ; à créer plus d’état, plus de police (de l’imaginaire) et quelques emplois protégés ; à servir de laboratoire aux néo-rapports sociaux et à la soumission inédite qu’ils nécessitent.

Question 3 : L’absence (exploit divin).

Bien à vous et à vous rencontrer.

    22.04.2003

                                Fabien Danesi
                                s/c Editions Denoël
                                9, rue du Cherche-Midi
                                75006 Paris

Fabien Danesi,

J’ai eu connaissance par hasard de votre article sur Présence Panchounette, dont j’ai eu l’honneur et l’avantage de faire partie, dans Archives & Documents situationnistes.
C’est plutôt bien vu, bien documenté et, finalement, à la relecture, assez flatteur.
Je vous joins à titre de curiosité l’article que j’avais écrit dans Télé Obs (dont j’ai été viré après un article sur… Mai 68 intitulé « Connards col Mao » ; Madame veuve Debord l’avait beaucoup apprécié avant d’avoir eu connaissance du reste qu’elle apprécia moins) à propos de la projection de « Guy Debord, son art et son temps » sur Canal +.
Si cela vous intéresse, je vous conseille la lecture de Assez ! (Sens & Tonka) ; dans un des chapitres, je fais le point sur toutes ces affaires qui ont l’air de vous soucier fort.
Bien à vous.

P.-S. : vous vous êtes un peu emmêlé les pinceaux dans le grec (page 61), pantos (génitif) viendrait plutôt de pan (nominatif) que le contraire.

24.04.2003

                        Nathalie Heinich & Bernard Edelman
                        s/c Editions La Découverte
                        9 bis, rue Abel-Hovelacque
                        75013 Paris

Nathalie Heinich & Bernard Edelman,

Je tiens à vous remercier pour votre petit dialogue sur « Baise-moi (pas) ! » dans L’art en conflits. Il m’a fort réjoui et il existe, d’ordinaire, peu de raisons de se réjouir à la lecture de textes sur l’art.
    J’ai été distingué, à l’époque, comme destinataire de cette inénarrable pétition, en tant qu’ex-membre de Présence Panchounette je suppose, donc susceptible (à tort) de la signer des deux mains. Je ne l’avais pas signée, bien sûr, et il m’était même venu à l’idée de répondre à ses auteurs pour leur demander s’ils se foutaient pas de ma gueule, la paresse m’en avait empêché et puis, surtout, le pressentiment que mes interlocuteurs auraient été tout ce qu’il y a de plus imperméables aux arguments que j’aurais pu avancer, qu’en résumé leur logique n’était pas la mienne et que dans ces cas-là, on s’expose à entamer un dialogue de sourds.
    Vous avez, bien entendu, souligné tous ses aspects ridicules, significatifs et autres, je me permets, cependant, de vous en indiquer un autre qui me semble, lui aussi, d’une certaine importance.
    Je suis tout à fait persuadé que ce texte ne vient pas de l’endroit dont il semble être issu, en gros : l’anarchisme banal, mais, au contraire, d’une soumission complète à l’état puisque c’est son refuge qu’ils réclament alors même qu’il remplit parfaitement son rôle, en l’occurrence celui de censeur. C’est une demande d’état qui se donne les allures d’une contestation qui n’imagine pas que l’on puisse revendiquer sans son autorisation le « renversement » de l’ordre que l’état maintient.
    Tout cela vient, sans doute, de la forme particulière que revêt le statut d’artiste aujourd’hui en France, où il apparaît naturel aux élèves des Beaux-Arts d’entamer un 3° cycle, d’obtenir une bourse de jeune artiste, une aide à la première exposition et à la publication, un séjour à la Villa Médicis, un poste de professeur aux beaux-arts dont ils sont sortis trois ans plus tôt, la réalisation d’une commande publique, l’attribution d’un atelier d’artiste et la vente (sinon le financement) de l’intégralité de leurs œuvres à l’état ou aux communautés territoriales. À savoir donc que la totalité de leur carrière se place sous la protection de l’état et que la « subversion » même (surtout si elle se réclame de l’extra-territorialité ») doit donc être, de la même manière, financée par les institutions. J’ai reçu récemment un questionnaire assez croquignolet du Centre Pompidou allant dans ce sens.
    Nous avions, en son temps, refusé de jouer ce rôle de « rebelles institutionnels », je me demande aujourd’hui si nous n’avons pas été un peu cons de (ne pas) le faire.
    Ceux qui continuent à se satisfaire de cela ne font que se soumettre complètement à une espèce de « totalitarisme démocratique » tout à fait inédit. Il y a eu, de tout temps, une tolérance particulière à la singularité de l’art et au comportement excentrique des artistes, ces derniers aujourd’hui veulent simplement (ce qui est « logique » et qui nie tout à fait leur appartenance à une communauté plus étendue dont ils ne désirent que se démarquer) que la liberté sans frein leur soit accordée par des textes qui sont prévus pour la borner.
    Le plus paradoxal étant qu’ils ne s’aperçoivent pas que, sans les risques qui l’accompagnent, il n’est aucune attitude radicale qui vaille.
    Je crains fort que leur conscience politique ignore tout du politique, que leurs seules revendications soient une vague « liberté d’expression », et que les deux seules choses auxquelles ils soient opposés soient Le Pen et le Sida…
    J’ai toujours pensé pour ma part qu’il valait mieux, si l’on ne voulait pas voir les caniveaux charrier du sang, que la police soit exercée par les flics que par les anti-flics. Déchiffrer ce genre de prose totalitaire ne fait que me conforter dans cette intuition.
    Bien à vous et à vous (re)lire. 

01.05.2003

                                Fabrice Bousteau
 BeauxArts magazine
                                tour Maine Montparnasse
                                33, avenue du Maine
                                75755 Paris Cedex 15

Fabrice Bousteau,

La gouache qui est reproduite en couverture de votre magazine est la maquette de la commande publique que j’avais passée à Philippe Mayaux pour l’ouverture du MIAM (il y en eut quelques autres : Ghada Amer, Pascal Comelade, Isek Bodys Kingelez).
    Il me souvient qu’à l’époque (janvier 2000) nous avons eu un échange de correspondance à propos des déclarations d’Eric Troncy : il avait écrit dans BeauxArts magazine qu’il pensait que le MIAM privilégierait des « pratiques chichiteuses, malingres et recroquevillées » ; vous comprendrez facilement que je trouve assez piquant de retrouver ces pratiques en couverture du même magazine trois ans plus tard.
    Je m’en réjouis sincèrement pour Philippe Mayaux qui, vous le savez, était l’un des artistes que nous avions choisi pour accompagner la dernière exposition de Présence Panchounette à Paris en 1990*.
    Pour en revenir au MIAM, j’aurais aimé que vos lecteurs sachent que j’ai été licencié « sans cause réelle ni sérieuse » en avril 2002 de mon poste de directeur artistique par les membres de son conseil d’administration (dont Pierre-Jean Galdin, Norbert Duffort et Hervé DiRosa) pour être remplacé par Chantal Creste qui, après n’avoir réalisé aucune exposition et fait chuter la fréquentation du musée de plus de moitié, a été nommée récemment conseillère aux arts plastiques de la région Bretagne.
    Peut-être n’en étiez-vous pas informé. C’est désormais chose faite.
    Je compte sur vous, sur votre indignation et celle de vos lecteurs.
    Bien à vous.

* Il y a quelque chose de pas très clair dans le texte de Stéphane Corréard, « apparue à la fin des années 80 », l’œuvre de P.M. est constituée de tableaux de « dimensions déjà modestes » (c’est moi qui souligne) qu’il peint « dans son atelier d’étudiant de la Villa Arson » (dont il est diplômé depuis trois ans !) « au moment même où Nicolas Bourriaud et Eric Troncy (encore !) y installent No Man’s Time » en… 1991 ! Si je comprends bien, une exposition à laquelle il ne participe pas a plus ou moins déclenché la production d’œuvres exposées un an auparavant. C’est confus ou bien très astucieux…

01.05.2003

                                Eric Troncy
                                17, rue du Palais
                                21000 Dijon

Eric Troncy,

Il me souvient que début 2000 vous aviez exprimé dans BeauxArts magazine votre méfiance (pour ne pas dire plus) des « pratiques chichiteuses, malingres et recroquevillées » dont le MIAM allait être le théâtre.
    Trois ans plus tard, le même magazine fait sa couverture avec la commande publique que j’avais passée à Philippe Mayaux (et à Ghada Amer, Isek Bodys Kingelez et Pascal Comelade) pour l’ouverture du dit musée !
    Je ne comprends plus rien… comment un magazine, auquel vous collaborez régulièrement, peut-il se faire le complice des pratiques chichiteuses, malingres et recroquevillées qu’il a si justement réprouvées ?  Comme je ne comprends pas que vous n’ayez pas énergiquement protesté lorsque j’ai été licencié de mon poste de directeur artistique au bénéfice de Chantal Creste en avril 2002 par un Conseil d’administration composé de Pierre-Jean Galdin, Norbert Duffort et Hervé DiRosa.
    Peut-être n’étiez-vous pas au courant. Désormais vous l’êtes.
    Bien à vous.

P.-S. Je vous félicite, aussi, de figurer dans l’article sur Philippe Mayaux du même magazine. D’après Stéphane Corréard, il semblerait que P.M. ait peint ses premiers tableaux dans son atelier de la Villa Arson au moment même où vous y installiez No Man’s Time. En 1991… trois ans après avoir obtenu son diplôme et un an après que je l’eus exposé. Si c’est pas ça être un homme d’influence, je veux bien me bouffer les couilles !

le 08.05.2003

 Inrockuptibles
                                144, rue de Rivoli
                                75001

ping-pong

Notes à l’attention de la rédaction et du secrétariat de rédaction

Page 60 de votre numéro 388, vous nous informez que Charlton Heston a abandonné le 27 avril la présidence de la National Rifle Association et glissez l’hypothèse que cela pourrait être l’effet de la « bombe à retardement » posée par Michaël Moore. La raison en est bien différente (et, par certains côtés, bien plus émouvante), Ben-Hur lâche la crosse de sa Winchester parce qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer.
Page 78, vous nous promettez, dans le cadre du mois du livre d’art, une rencontre avec Jacques Hondelatte au Lieu Unique de Nantes, je crains fort que le public ne soit déçu, Hondelatte est mort depuis quelque temps déjà.
Encore heureux, page 64, Arnaud Viviant part en week-end à la campagne en BMW avec son gamin. On s’en réjouit, tout en espérant qu’il ne s’agit pas, en réalité, d’une DKW.

 Paris le 10.10.2003

                                M. Pierre Astier
   Le Serpent à plumes
                                20, rue des Petits-champs
                                75002 Paris

Pierre Astier,

Je viens de recevoir par courrier daté du 29.09.03 posté le 7.10.03 une réponse négative à la publication d’un manuscrit que je vous avais soumis le 15.01.02.

Eût-elle été positive, je n’aurais pu l’accepter dans la mesure où les éditions Mille et une nuits (un poil plus promptes) ont publié avec quelque succès ce livre (qui intéressait également Gallimard) en août 2002 sous le titre Fils de Sultan.

Je vous prie d’agréer, Pierre Astier, l’expression de mes salutations distinguées.

PS : Si cela peut vous rassurer, vous n’êtes pas le plus lent, un certain nombre d’éditeurs ne m’ont pas encore répondu.

 Paris le 21.10.2003

                                Guy Tortosa
                                Ile de Vassivière
                                87120 Beaumont-du-Lac

Guy T,

J’ai bien reçu ton invitation à dîner au restaurant Le Verrou le 18 octobre et je t’en remercie.
Ton courrier était daté du 8 octobre, mais il a été posté le 17 ; ce qui explique que je n’ai pu ni « dîner avec quelques amis » ni refuser de le faire.
Non moins sincèrement que toi.

PS : Je suis depuis belle lurette viré du Miam et il faut de tout pour faire un paysage, alors… pourquoi pas un nain !

Paris le 07.11.03

                            Isabelle Seguin
 Hachette Littératures
                            43, quai de Grenelle
                            75905 Paris Cedex 15

Madame,

Je viens de recevoir une lettre-contrat, que vous m’avez adressée, je le suppose, par erreur, en tout point semblable à celle que l’on faisait signer aux bluesmen aveugles du Mississipi dans les années 20.
N’étant ni bluesman, ni aveugle, vous m’excuserez de ne pas vous la retourner « dûment signée », ma signature « précédée de la mention ”Lu et approuvé“ ».
En revanche, je ne suis en rien opposé à signer le contrat d’auteur que vous ne manquerez pas de m’adresser sous peu.
Dans l’attente, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes salutations distinguées.

P.-S. : Je ne suis pas noir non plus, et je le regrette.

 Paris le 05.12.03

                            Philippe Bidaine
 Editions du Centre Pompidou
75191 Paris cedex 04

 N/réf : 2208-D

Copie à M le directeur du Centre

Philippe Bidaine,

J’accuse réception de votre demande d’autorisation gracieuse d’exploitation de la reproduction de « La pression des rêves ».
Je reçois régulièrement des demandes de ce genre, surtout de la part de maisons d’édition. J’avais pour habitude d’y consentir sans réflexion. L’attitude de mes interlocuteurs n’ayant pas même la courtoisie de m’adresser les ouvrages dans lesquels les œuvres étaient reproduites m’a fait changer d’avis et réfléchir.
En réalité, je ne vois aucune raison que des organismes publics ou privés disposent librement et gratuitement de ce dont ils tirent, par ailleurs, un quelconque bénéfice.
Il se trouve que, d’autre part, « La pression des rêves » a servi à la campagne « publicitaire » de l’exposition « Manifestes » organisée par le Centre sans qu’il ne me soit demandé la moindre autorisation et, bien sûr, sans qu’il ne me soit proposé la moindre rémunération alors que, je le suppose, tous les autres protagonistes de cette campagne de publicité ont été payés (quid des autres artistes ?), comme de juste.
J’attends donc de votre service et du Centre la proposition honnête que vous ne manquerez pas de m’adresser. On peut prendre comme référence, en ce qui concerne la campagne publicitaire de « Manifestes », les honoraires moyens d’un photographe ou d’un graphiste participant à une campagne de cette ampleur ; pour le reste, ce qui vous est demandé par les artistes affiliés à un organisme de défense de leurs intérêts.
Il est évident que tant qu’un accord n’est pas intervenu, je n’autorise pas le Centre à reproduire de quelque manière qu’il soit une quelconque œuvre de Présence Panchounette.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Philippe Bidaine, l’expression de mes salutations les meilleures.

Paris le 16.11.03

                        Isabelle Seguin & Marguerite Charreau
 Hachette Littératures
                        43, quai de Grenelle
                        75905 Paris Cedex 15

Mesdames,

En réponse à votre courrier du 4.12.03.

Non seulement je n’étais pas ravi de signer le « contrat » concernant la publication de ma nouvelle dans Remix, mais je ne l’ai PAS signé, ce qui explique, peut-être, que vous croyez l’avoir égaré.

Non seulement je n’étais pas ravi, mais si ce n’avait été l’amitié qui me lie à Michaël Sebban, le promoteur de cette publication, je vous aurais envoyé vous faire foutre (et je renonce à vous expliquer pourquoi).

Pour mettre définitivement fin à cette relation désagréable et ne plus perdre de temps à propos d’une affaire à 27,5 euros le feuillet – si j’avais su que Hachette était dans le besoin j’aurais adressé un chèque de 150 euros au comité d’entreprise –, je renvoie joint à cette lettre votre « contrat » modifié par mes soins et signé.

Vous voudrez, bien évidemment, comme il est d’usage, m’adresser avant publication un bon à tirer de ma nouvelle.

Veuillez agréer, mesdames, l’expression de mes salutations.

  le 07.01.04

                                Philippe Bidaine
                                direction des éditions
                                Centre Pompidou

Philippe Bidaine,

En réponse à votre courrier du 09/12/03 : pensez-vous réellement que l’inscription sur le site du Centre Pompidou puisse servir Présence Panchounette et son œuvre ? Ne pourrait-on pas dire que c’est, en réalité, l’inverse ? Je vous signale au passage qu’un « bénéfice » n’est pas nécessairement commercial.
Vous avez, en tous les cas, bien compris que je ne souhaitais pas que l’œuvre apparaisse (et vous seriez bien emmerdés si les autres artistes faisaient de même).
J’attends avec impatience les éclaircissements de Jean-Pierre Biron (qui ne dirigeait sans doute pas le service communication à l’époque de Manifeste, ce qui lui permettra de m’en informer dans un premier temps avant de regretter une intervention qui n’est pas de son chef et dont il ne peut, de toute évidence, pas être tenu pour responsable, et de conclure que je peux aller me faire voir moi et mes tardives réactions).
Je vous prie d’agréer, Philippe Bidaine, l’expression de mes salutations.

     le 26.01.04

Guillaume Allary & Charles Pépin,

Ci-joint les corrections du remix.
Il y a beaucoup de rouge pour un texte si court.
Je n’ai rien contre le fait que l’on intervienne sur mes textes, encore faut-il que l’on m’en parle avant, et, de toute manière, c’est une tradition qui perdure sous nos latitudes, le « final cut » appartient encore à l’auteur. J’y suis attaché.
Je vous renvoie une bibliographie (j’avais déjà, à votre demande, adressé une bibliographie complète, par mail, je crois…). En ce qui concerne ma bio, je ne désire pas que figurent les mentions : « boxeur » (folklore lassant) et « demandeur d’emploi » (c’est pas les lecteurs qui m’en procureront).
Bien à vous.

    le 02.03.04

                            Damien Airault

Damien Airault,

J’ai bien reçu votre maîtrise et je vous en remercie.
Le moins que l’on puisse en dire c’est que les erreurs ne manquent pas (euphémisme pour : « y’en a un paquet ! ») ; vous avez, peut-être, été mal renseigné, mais un peu d’attention aurait, parfois, suffi.
Vous avez, je le suppose, remarqué que les phantasmes et les rumeurs pullulent à propos de P.P. ; j’ai reçu récemment un coup de téléphone d’une personne se présentant comme un : « ancien membre de P.P. » que je ne connaissais ni des lèvres ni des dents… c’est dire ! Il ne faut pas en être dupe.
Bon courage et bonne chance pour votre exposition.

le 12.04.04

                      Baptiste Liger
                            Têtu
                            6bis, rue Campagne-Première
                            75014

Baptiste Liger,

Je vous remercie de votre intérêt pour Ring.

Que vous trouviez ma plume légère, c’est votre opinion et la critique a tous les droits, que vous préfériez le style de Jack London au mien, également. Dont acte.

En revanche, la construction de votre avant-dernière phrase (In cauda venenum) prête à confusion : est-ce lorsque je parle de la mort que ma plume est légère ou bien lorsqu’elle évoque les années 80 ? Il vaudrait mieux pour le bien fondé de votre jugement que ce soit la seconde hypothèse, en effet, à peu près tout ce qui est dit de la mort dans Ring est tiré (littéralement) du Livre de Job et des Psaumes.

Bien à vous.

      le 18.05.04

Hervé Chandès
                            Fondation Cartier
                            261, bld Raspail
                            75014 Paris

Hervé,

J’étais présent au vernissage de « Genesis sculpture expérience Pommery # 1 », l’exposition est catastrophique, mais ce n’est pas de cela dont je veux t’entretenir.
Deux pièces de Présence Panchounette prêtées par la Fondation figurent dans cette exposition dont « Dwarf ! Dwarf ! », restauré de frais, mais mal restauré, il n’est plus rose, il est blanc et même très blanc.
Pour le restaurer correctement, s’adresser à celui qui l’a fabriqué et peint : Luc Lauras. Cela ne vous coûtera pas plus cher et sera fait comme il se doit.
Figure également (on est gâtés), « Le Roi des Rennes ». Je n’ai encore jamais vu cette pièce exposée correctement. J’ai signalé que pour qu’elle le soit, il faut l’éclairer par en-dessous, de façon à ce que l’ombre figure (plus ou moins) un renne. D’ordinaire, elle est éclairée de façon à ne produire aucune ombre, ce qui est un non-sens, cette fois elle est éclairée latéralement et produit une ombre pas très satisfaisante, mais c’est un début. Elle a eu droit, elle aussi, à une « restauration », on a changé les gants qui couronnent sa tête (répertoriée dans le catalogue comme étant celle d’un renne !). On ne s’est pas trop cassé la nénette, on a été acheter une paire de gants jaunes, on les a sortis de leur emballage (où ils étaient soigneusement pliés) et on les a enfilés sur les oreilles de la pauvre bête. Originalement, elle n’avait pas l’air très fine, mais gardait une espèce de noblesse dont il est difficile de priver les animaux, là, franchement, elle est « défigurée » ; ce qui tendrait à prouver que nous ne faisions pas réellement n’importe quoi et qu’il est possible d’outrepasser la désinvolture dont nous faisions preuve.
Ne pourrait-on pas mettre les gants en forme (il suffit de les porter ou de souffler dedans) ? Cette bête aurait l’allure moins piteuse et la sculpture ressemblerait davantage à l’original.
Merci pour elle(s).
Bien à toi.

      le 15.06.04

                            Grazia Quaroni
                            Fondation Cartier
                            261, Blvd Raspail
                            75014 Paris

Grazia Quaroni,

J’ai bien reçu votre courrier du 24 mai, absent de Paris, j’y réponds tardivement et je m’en excuse.
Je me garderai d’épiloguer à son propos, néanmoins, je pense sincèrement que mes différentes « réactions » ont été plus que modérées comparées à celles qu’auraient pu être celles d’autre artistes constatant l’état de leurs pièces.
Quoi qu’il en soit, il s’agit maintenant pour la Fondation de contacter Luc Lauras pour reprendre la restauration de Dwarf ! Dwarf !  et de faire le nécessaire pour que Le roi des rennes retrouve un aspect plus conforme.
C’est tout ce qui est souhaitable et tout ce que je souhaite.
Je vous prie de croire à l’expression de mes salutations les meilleures.

                     le 28.06.04

                            Fabrice Bousteau
  BeauxArts Magazine
                            33, Av du Maine
                            75755 Paris cedex15

copie à la rédaction

Fabrice Bousteau,

Je sais bien que nous sommes crédités tout à côté du titre de votre éditorial : « L’idiotie, un art à consommer », mais cela n’excuse rien.
La reproduction du « Roi des rennes » de Présence Panchounette en couverture de votre magazine est un NON SENS COMPLET.
En effet, l’œuvre ne consiste pas seulement à enfiler des gants Mapa sur les oreilles d’une malheureuse chevrette empaillée (c’est à la portée de n’importe quel Maurizio Cattelan), mais à ce que, correctement éclairée, son ombre portée figure un animal plus mystérieux… une espèce de renne. D’où le titre.
L’œuvre reproduite en couverture de votre magazine n’est donc PAS une œuvre de Présence Panchounette, plutôt une idiotie.
J’espère que vous ne laisserez pas vos lecteurs dans l’ignorance qui est la vôtre.
Quid des droits ?
Salutations navrées.

              le 11.09.04

                            Sophie Perceval
                            Fondation Cartier
                            261, Blvd Raspail
                            75014 Paris

Copies à Hervé Chandès et à Grazia Quaroni

Sophie Perceval,

Je ne signerai pas l’autorisation de reproduction que vous me demandez tant que les deux pièces de Présence Panchounette, qui ont été restaurées en dépit du bon sens, par vos soins, ne l’auront pas été correctement ; ce que la Fondation avait promis de faire il y a plusieurs mois, mais, à ma connaissance, n’a toujours pas fait.

Je suis absent de Paris jusqu’au 19 septembre.

Je vous prie d’agréer, Sophie Perceval, l’expression de mes salutations.

         le 22.10.04

Le Monde 2
                            21bis, rue Claude Bernard
                            75242 Paris Cedex 05

Mesdames, Monsieur,

Veuillez trouver ci-joint les corrections qui auraient dû être appliquées à mon texte si l’on avait voulu que le lecteur comprenne, et photocopie de celui-ci pour que vous le compreniez.

Dans l’attente des rectifications d’usage en tel cas, je vous prie d’agréer, mesdames, monsieur, l’expression de mes salutations.

    le 20.12.04

                            ARPEL Aquitaine
                            137, rue Achard
                            33300 Bordeaux

Monsieur le directeur,

J’ai beaucoup apprécié que vous m’ayez invité à m’inscrire pour la modique somme de 15 euros, repas servi par un traiteur compris, à la journée professionnelle sur les ateliers d’écriture se déroulant à la salle polyvalente de Blanquefort, et votre humour aussi.

Les « ateliers d’écriture » ayant avec la littérature le même rapport que le RMI avec l’amour du peuple et que les Restaurants du cœur avec la gastronomie, comme je suis écrivain, vous m’excuserez de ne pas collaborer à cette soupe-là.

Bien à vous et à ne plus vous lire.

           le 21.12.04

                            Jean-François Kervéan
                            Canal +
                            1, place du Spectacle !
                            92863 Issy-les-Moulineaux

Jean-François Kervéan,

Je vous ai aperçu, par hasard, déguisé en arbre de Noël à l’heure du déjeuner et compris pourquoi vous aviez détesté Ring.

Je regrette sincèrement que vous soyez obligé de vous soumettre à ce à quoi vous vous soumettez.

Vous n’êtes, toutefois, pas obligé de reprocher aux autres la liberté dont vous vous privez.

Mes salutations navrées, salutations apitoyées de mon épouse.

le 30.01.06

                            Jacques Buob
                            Le Monde 2
                            80, Blvd A. Blanqui
                            75707 Paris cedex 13

Jacques Buob,

Je suis très honoré de votre demande.

J’accepte avec plaisir votre proposition.

Néanmoins, que cette nouvelle soit payée « à la hauteur de vos – modestes – moyens » me semble trop imprécis pour aller plus avant.

Lorsque je connaîtrai la totalité des termes du contrat, je vous ferai aussitôt part de ma décision.

Bien à vous.

16.04.2007

Joseph Macé-Scaron,

A propos de votre rubrique intitulée : « Le coq vain ».

Ne faisant pas de cinéma, je ne discuterai pas vos choix en ce domaine (qui me semblent, d’ailleurs, assez différents des miens : Raging Bull me semble aussi surestimé que Million Dollar BabyAli est un terrible suppositoire et il n’est pas un seul plan de La Môme qui ne puisse provoquer l’hilarité ; pour ma part, je donne les quatre pour un seul plan de Fat City, mais… chacun ses sales goûts comme disait ma grand-mère).
En revanche, comme à chaque fois que je sors un livre je me vois accablé de métaphores pugilistiques, même lorsqu’il n’y est pas question de boxe, tout cela pour avoir fait une vingtaine de combats il y a plus de trente ans, autant en profiter… Je me permets donc de vous recommander la lecture de Lève ton gauche ! suivi de P.-S., Gallimard La Noire et celle de Tyson, un cauchemar américain*, Grasset.
De qui ? Mais de mézigue, pardi !
Jugez par vous-même si ce que vous avancez est si juste que cela.
Les Français sont assez spécialistes d’un nationalisme à rodomontades bien souvent ridicule, mais aussi, perpendiculairement, d’un certain masochisme soumis : « Il n’y a que les Américains qui… », au choix : « savent raconter une bonne histoire, écrire sur le sport, filmer un paysage, faire une bonne bio ».
Mon œil ! Ils nous le font croire, ce qui n’est pas pareil.
Nous sommes tous victimes des idées reçues et des clichés, mon seul espoir est – pourquoi pas ? – de vous convaincre de réviser ceux que vous avez reproduits dans votre rubrique, je le suppose en toute bonne foi.
Sinon, tant pis !
Bien à vous.

* le silence complet de la critique à son sujet amènera Pierre Marcelle de parler à son sujet d’une « trop peu remarquée biographie »

    le 12 mai 2020

Sandrine Treiner
France Culture
116, avenue du Pdt Kennedy
75220 Paris cedex 16

Sandrine Treiner,

En son temps, j’avais été un peu interloqué du choix de Judith Perrignon pour réaliser la Grande Traversée consacrée à Muhammad Ali… un peu comme si vous m’aviez proposé de me charger de celle que l’on pourrait consacrer à Marceline Loridan-Ivens.
Le résultat m’avait laissé dubitatif, mais vous savez comment sont les machos lorsqu’ils traitent des œuvres commises par des femmes ! J’avais d’ailleurs écrit, à ce propos, un texte (joint) où, d’après Olivier Nora, ma rancœur est évidente et mon manque d’humour patent. Vous jugerez.
J’ai, depuis, pris connaissance de la version papier parue chez Grasset et je dois avouer que je serai moins indulgent à propos de L’Insoumis. Tous les journalistes (qui n’y connaissent rien) ont loué le sérieux de l’enquête de Judith Perrignon (qui avouait, avant la Grande Traversée, ne rien connaître à son sujet). Ce n’est pas très sérieux ni très professionnel, pire, le résultat est très discutable.

S’appuyant sur une bibliographie comptant 6 (six !) ouvrages dont – certes – l’incontournable biographie de Thomas Hauser, mais aussi un libelle dévolu à la gloire d’Elijah Muhammad, le leader de la Nation of Islam, Judith Perrignon a entériné la version de l’assassinat de Malcom X donnée par Mohammed Siddeq, elle-même reprise de celle de Louis Farrakhan !
« Menée vers les bonnes personnes » par Karim Ben Ismail, journaliste à l’Equipe, Judith Perrignon n’a eu affaire qu’à de braves papis afro-américains innocents comme l’agneau venant de naître, en réalité, les mains pleines de sang. Mieux conseillée, elle aurait pu rencontrer, par exemple, William Bradley (Al-Mustafa Shabbaz), l’homme qui a tiré le premier sur Malcom X, qui vivait à Newark et n’a jamais été inquiété. C’était plus risqué.
Il n’était pas très difficile d’avoir une petite idée de la responsabilité de la Nation of Islam et de ses membres en consultant ce qui était imprimé à l’époque dans Muhammad Speaks, l’organe officiel des Black Muslims (« C’est un chien qui se vautre dans son vomi ») ou les déclarations d’Elijah Muhammad (« Cet hypocrite doit être banni de la face de la Terre ») et de Louis Farrakhan (« Sa tête roulera dans le caniveau », « Sa mort est programmée, Malcom ne pourra pas y échapper »).
Evidemment, l’affaire est encore plus complexe puisque FBI et CIA n’ont pas manqué de manipuler les uns et les autres ; rejeter l’entière responsabilité de l’assassinat de Malcom X sur les « Blancs » ou sur les « Noirs » dépend de quel côté du politiquement correct vous désirez vous situer.

Mohammed Siddeq et Al-Mustafa Shabbaz sont morts, mais vous auriez pu éviter à Judith Perrignon de se faire enfumer, jusqu’à publier chez Grasset un texte donnant sur une période clé l’éclairage d’anti-sémites notoires, en lui conseillant la lecture… d’Alias Ali, pour lequel vous m’aviez, quelques années plus tôt, remis le prix France Culture-Télérama, mais sans doute l’aviez-vous oublié.
C’est dommage, le dommage est fait.

Bien à vous.