Frédéric Roux

Lève ton gauche !

Incipit & more

François s’était endormi Champion du monde et il s’est réveillé avec la colique. Gouffre. La vie est une noyade pour François, maintenant. Dans son lit étendu, seul, au milieu, les bords glacés. Il n’avait plus sommeil.

   Sa femme Nicole s’était levée à sept heures pour préparer les enfants et aller travailler, il est seul maintenant. Il s’était endormi hier soir sur des rêves automatiques, le Madison Square Garden, le champagne californien, les pompes en croco, les Cadillac en double-file et ce matin l’appartement trop grand résonnait et il avait envie de vomir. Plus bas, la ville va, on se suicide, on klaxonne, mais ça ne le regardait pas. C’est l’effet aujourd’hui que lui faisait l’appartement vide, la rue et les klaxons, en vérité c’était le début de l’été, les peaux étaient douces et déjà salées, seulement il avait autre chose à faire, il avait peur et il ne pouvait penser qu’à ça. Quand il avait faim, les nègres faisaient leur apparition, quand il avait mangé, ils se rendormaient, le monde jouait à cache-cache avec son humeur. Il était comme tout le monde, la réalité n’était pas vraie.
   Venu de là d’où il venait, il aurait pu c’est vrai stationner aux rêves vulgaires, un poste d’agrégé à Romorantin et ces week-ends sous-exposés de magazines en pulls irlandais, celui où il n’y avait pas eu assez de joints pour tout le monde… quelle horreur ! et quand le congélateur était tombé en panne ! Potage et l’hi-fi, adultère consenti, la vraie vie tremblotait aux façades des tuners. Seulement voilà, il n’avait pas pu, il avait reculé ou tourné le dos, il ne savait pas très bien. C’était pas sa vie, il ne voulait plus depuis longtemps la changer, c’était pas sa vie c’est tout.

    Premier livre : une vingtaine de refus avant de tomber sur Paul Fournel… presque la Gloire, invité  à participer à Apostrophes avec Dominique Rolin, Pierre Guyotat, Patrick Grainville, Flora Groult et Robert Sabatier. Déception, le lendemain, en seconde classe, personne ne me reconnaît. J’aurais dû essayer la première.